De sortes d’anges blonds aux voix d’enfants psalmodient des récits de voyages comme autant de ritournelles primitives, hommages probables aux dieux anciens et aux marins noyés, tandis que de grands garçons un peu hébétés jouent d’instruments antiques, qu’on croyait perdus et oubliés, rescapés d’une saga musicale dont on entrevoit l’aura subtile au coin d’une mélodie, dans un craquement de rouille et de bois, comme dans le ventre d’un vieux bateau nordique sur une mer froide et silencieuse. Voilà le tableau dressé par ce nouveau Summer make good de Mùm, deuxième album positif (« L’été fait du bien ») du trio islandais, malgré une tonalité plus sombre que son prédécesseur Finally we are no one. La lumière blanche filtre à travers les voix cristallines d’un éternel féminin plus proche de l’elfe que de la banquise, grâce à des mélodies aériennes, des textures aérées, entre folklore boisé et électronique cuivrée.

Ecrits dans un phare des côtes islandaises, enregistrés dans une station météorologique désaffectée, Summer make good est hivernal mais lumineux, atmosphérique mais rythmé, spartiate et ouvert à tous vents, Variant les textures et les instruments (melodica, glockenspiel, accordeon, keyboards, trompette, violon, pump organ, harpe chinoise, banjo, entre autres) le groupe s’ancre dans une tradition folk de la vieille Europe du Nord, la conjuguant moins à l’électronique DSP qu’à une sorte d’ancienneté électronique, faite d’amplis vintage et de gramophones rouillés, qui ont servi de filtres lo-fi et chaleureux. D’où ce grain particulier, semblable à celui des vieilles photographies du début du siècle, sur lesquelles le papier jauni évoque autant l’aura d’une époque enterrée que l’ancienneté du matériau qui en porte le souvenir.

Beaucoup de fantômes (des hollandais volants, des marins noyés, des elfes lunaires) viennent se loger dans les détails foisonnants de cet album tout en lenteur, réveillées par la voix décharnée, éthérée mais étrangement proche, et à la limite du psychiatrique, de la chanteuse Anna Valtysdottir, désormais seule à assurer les parties vocales (sa jumelle Gyoa ayant quitté le navire pour privilégier ses études de violoncelle). On regrettera une tendance à l’assoupissement sur la longueur de l’album, mais on sera curieux de se laisser porter par le groupe en concert. Un album en forme d’invitation au voyage, évidemment.