On n’aurait jamais osé placer nos espérances en ce petit groupe islandais, il y a encore deux ans, quand sortait le mignon tout plein Yesterday was dramatic, today is ok. Le disque était disponible en Europe grâce aux efforts du héros indie Glen Johnson, et on avait prêté l’oreille en pensant à Piano Magic, qui aurait refondu son northern spleen à travers celui de l’électronique britannique. Mais après plusieurs écoutes, les failles avaient brisé l’enthousiasme. Trop gentils, trop appliqués, trop naïfs, les gentils islandais. Il y a quelques mois, les voilà qu’ils réapparaissent sur Morr Music pour un mini album de remixes, et on se disait que c’en était définitivement terminé de leur touchante singularité.

Grossière erreur. Le quatuor revient par la grande porte de Fat Cat, avec ce somptueux Finally we are no one, qui voit leur musique douce-amère faire un monumental bond en avant, de maturité, de profondeur, et de cohésion sonore et mélodique. Au premier abord, il n’y a rien de radicalement nouveau dans les affects mélodiques et soniques de Mùm : mélopées mélancoliques de synthés analogiques ou de piano invisibles, syncopes de claquements acoustiques montés en rythmes tournoyants, gargouillis électroniques de boîtes à musique imaginaires… Tout ça fleure bon le Morr Music. Mais derrière le bataillon tendance, il y a la très concentrée substance, résolument personnelle, qui enveloppe chaque note d’une singulière, intense mais à peine perceptible tristesse, et qui trouve une extension naturelle dans l’armada acoustique du groupe -mélodica, orgue, accordéon, trompettes, violoncelle. Et puis les susurrements adorablement asexuées des soeurs Valtysdottir, qui se confondent tous avec le bric-à-brac technologique et épaississent immédiatement les propos mélodiques et émotionnels de ces onze tranches de vie. Parfois même, des notes tombent à côté et risquent l’étrange, le mini-orchestre s’emballe et se rêve symphonique.

Enfin, il y a les correspondances troubles (The Pastels, His Name is Alive, le Cure de Seventeen seconds), les clairs-obscurs tour à tour régressifs (Don’t be afraid, you have just got your eyes closed), franchement dépressifs (Now there’s that fear again) ou résignés (We have a map of the piano). Pour toutes ces raisons et un millier d’autres imperceptibles et indescriptibles, Mùm parle directement au cœur. Et contrairement à nombre de formations IDM mélodiques, sa tristesse est multiple et abyssale, sorte de mille feuilles qui prend de nouvelles perspectives et couleurs à chaque écoute. S’y perdre est un plaisir amer, que, jusqu’ici, seul un groupe comme Piano Magic arrivait à nous suggérer. C’est dire l’importance que cette petite formation islandaise acquiert sur la foi d’un disque.