Il y une curieuse impression qui se fait jour à l’écoute du troisième album du duo allemand Mouse On Mars. La bizarre illusion sonore que leur musique pourrait ressembler, s’il nous venait l’idée de la représenter visuellement, à un animal qui aurait un corps de souris et une tête d’éléphant. En effet, ce qui fait le corps même de la musique de Mouse On Mars apparaît ici bien fluet, maigre, presque cheap, mais la production est énorme, et contrebalance la matière de départ pour lui donner cet aspect quasi monstrueux. Étrange chimie à laquelle se sont livrés Jan Werner et Andi Toma. La formule profite largement du terrain sonore défriché par les pères fondateurs de la techno anglaise telle que nous l’avons découverte il y a quelques années : ainsi, les morceaux les plus technoïdes de Autoditacker, tels Tux & Damask ou Rondio, empruntent les saccades digitales de LFO sur leur premier album Frequencies. Les imputer à l’influence de Kraftwerk semble relever de la facilité. Faire de Mouse On Mars les héritiers directs des « Meister » de Düsseldorf est tout simplement de l’usurpation de marque déposée. En effet, il se dégageait des schémas musicaux de Kraftwerk une émotion non feinte, car non recherchée : son émergence présentait toutes les apparences de l’aléatoire. Or Werner et Toma donnent l’impression de vouloir à tout prix faire naître l’émoi chez l’auditeur. C’est comme s’ils doutaient de leurs capacités de compositeurs : il en résulte une trop évidente volonté de faire « au mieux », quand faire « bien » aurait suffi. Scat est un exemple flagrant de cette fébrilité, alors que Tamagnocchi, Dark Fx ou Sehnsud donnent d’impressionnantes preuves de maîtrise et de liberté créatrice. Qu’en reste-t-il ? Un superbe gâchis, ou un gâchis superbe.