Artiste new-yorkais multiforme, Mos Def a commencé à faire ses premières gammes à la télévision dans les années reaganienne. Déçu par son manque de succès, il continue son introspection artistique et se met à côtoyer les mots avec plus de profondeur et de velléité, et surtout de grandes doses d’humour et de sémantique. Il s’incruste rapidement sur la scène hip-hop à partir du début des années 90, aux côtés de formations de la famille « Native Tongues » (De La Soul, Black Sheep, Jungle Brothers…). Accepté au sein de ce pan important de la scène rap US, il forme ensuite avec Talib Kweli le duo / projet Black Star, batifole avec Tha Alkaholics et la bande à Q-Tip…

Mos Def voit les choses en grand, et semble aimer la fusion des genres. A la fin des années 90, beaucoup d’oreilles entendent en lui le second souffle de la lignée Native Tongues, qui peine à (re)cycler ses légendes. Seuls Brand Nubian et l’ex-KMD Daniel Dumile portent une fronde scintillante, aidés respectivement par le poids immense d’un album mythique (All for one, édité en 1989 sur Elektra) et le masque rutilant de Metal (Face) Doom. De fait, ce dernier semble là pour célébrer un héritage en forme d’apocalypse qu’il amène avec sa razzia Operation doomsday. La même année, Mos Def déboule avec la galette bien fournie Black on both sides sur Rawkus et touche le jackpot, notamment grâce aux tranches Miss Fat Booty et Umi says. C’est le début du succès pour Def. L’aventure s’enflamme pour ce rappeur / producteur de Brooklyn. Multipliant les rencontres et les collaborations, il se remet à penser au grand écran. Mais c’est surtout Hollywood qui fait (re)briller ses yeux.

Aujourd’hui, c’est l’explosion « black punk » et le syndrome « rock star » qui le foudroient, les répétitions en studio et son groupe au nom évocateur : Black Rock Johnson. Ce combo rock (formé par Bernie Warrell, Will Calhoun et Doug Wimbish) ne le lâche plus, sauf lorsqu’il tourne pour le grand écran. Ils sont présents sur la grande majorité des titres de ce nouvel opus. Mos Def nous pond donc très logiquement un album rock, imprégné par des racines spoken word mis en exergue sur des fils que tissent les Red Hot Chili Peppers ou encore Eagle Eyed Cherry…

Très déséquilibré, cette nouvelle galette est fourrée de rythmiques mouvementées et d’ovations endolories (The Beggar et son cri gringalet d’amoureux déçu…) ou encore affublée de productions du grand Easy Moe Bee et du surestimé Kanye West. C’est pourtant sur ce dernier qu’on penche quelque peu l’oreille, avec sa recette fruitée sur les titres Sunshine et The Rape over. Malgré tout, ce sont les guitares et les pianos de blues qui prennent le pas sur le reste, comme sur la pitoyable ballade du morceau Blue black jack, sorte de blues-rock à paillettes. La bannière la plus intéressante de Mos Def, c’est peut-être la moins surélevée, comme lorsqu’il invite le véteran Shuggie Otis. Lorsqu’il crie sur des guitares rock, Mos Def (s’)énerve… Les beaux moments sur The New danger ne pèsent pas vraiment dans la balance de cet artiste conscient. Les rythmiques et autres breaks sont bien présents, les riffs de bass sont bien huilés, peut être un peu trop brillantinées au Pro Tools… Pas de surprises, peu de risques, mises à part les écarts foireux de rockeur malheureux. The New danger procure un sentiment de déception qui prévaut dès les premières écoutes.

Voilà un album qui plaira surtout aux aficionados de musique soul et autres mélanges crossover entre rock et rap. Quand à ceux qui s’attendait à prendre une belle bombe dans la figure, ils seront peut-être déçus de voir que cinq ans après un Black on both sides compact et fédéré, Def revient avec une formule qui part un peu dans tous les sens, sans vraiment réussir à canaliser son feu. Comprimant un peu trop le blues pour être touchant, il développe son sillon de rappeur au flow rassurant, mais n’évolue pas vers des dômes prodigieux. Son travail d’artiste est sincère et réussit quelquefois à toucher de belles cibles, à flirter avec de belles litanies, mais c’est toujours pour retomber sur des pattes peu aguichantes. A l’image de Common ou de son camarade Talib Kweli, l’auteur de Miss Fat Booty est sur une route qui tend plus vers Ben Harper que Ghost Face Killer. Allons donc réécouter All for one de Brand Nubian.