Petit protégé de Prince Paul, Mc Paul Nathaniel Barman est originaire de Ridgewood (New Jersey). Très éloigné des Brick City Mc’s de New-Jersey (Redman, Don Diezzel & Tha Governor, Brick City Brigade…), Paul est une petite blanchette sympatique qui s’est nourri du son des De La Soul et consorts (A Tribe Called Quest, Jungle Brothers, Black Sheep…). Rien d’étonnant donc que ce whitey soit tombé dans les bras de Papa Prince Paul, qui l’a repéré il y a quelques années lors du parachutage de Postgraduate work, un 45t auto-produit contenant le mini-hit underground Enter pan-man.

Comment pourrait ton décrire le style de ce b-boy de seconde zone ? La réponse est dans la question… Paul Barman est un wack Mc, un gaillard qui ne se prend pas au sérieux et qui n’a pas vraiment de flow, mais qui use de gimmicks débiles pour faire passer son truc. Yep, Paul est une sorte de clown dont les textes cyclothymiques sont posés avec nonchalance ou dérision sur des prods agréables. Déjà remarqué sur l’album It’s very stimulating (sorti sur le label Wordsound en 2000), ce geek sensible use d’un sens de l’humour dérangé, qui lui permet de compenser ses carences en matière de phrasé. C’est sur Excuse you (sixième titre de l’album) que les choses commencent à devenir intéressantes… A l’instar d’un Kool Keith sous acide, Barman se lâche ici pour nous trimbaler sur un beat bien dodu, qui s’entoure de violons et autres choeurs grisants. On oublie soudain les questions de flow et autres techniques « breath control » des Mc’s chevronnés (Barman ne restera pas dans l’histoire du hip-hop pour ses techniques off beat…), pour se concentrer sur les mélodies. Sur Anarchist bookstore part 1 et Anarchist bookstore part 2 (incontestablement les meilleurs titres de l’album), on reconnaît la patte de Mf Doom, qui place et déplace ses mélodies de synthés et autres breaks nappés de basses ardentes et ronflantes, tandis que Barman flotte en superposant sa voix et ses multiples personnalités. Un exercice de style qui donne une leçon à tous ces chroniqueurs qui prétendent que Barman n’a pas de flow. Les rythmiques changeantes font ici parfois penser au terrible Change the beat du grand MF Doom (crédité ici en ghost featuring sur les deux titres). Le hip-hop de Paul B. est décidément très déroutant, attaquable par instants et envoûtant à d’autres, puisant son suc dans les bacs old-school de la lettre B (Biz Markie, Big Daddy Kane…). Tandis que l’album se finit sur un monologue jazzy (A Somewhat new medium…), où Paul Nathaniel se la joue crooner et nous raconte une étonnante histoire fantasmagorique, on esquisse un sourire et on se concentre sur le texte en essayant de suivre les méandres sémantiques du bonhomme qui nous parle de perroquets âgés de 44 ans, de Winston Churchill ou de femmes immatures…

Capable du pire (son How hard is that produit par PM Dawn sorti sur Matador) comme du meilleur (ses apparitions sur Disposable arts de Masta Ace et Metabolics de Mr Dead), Barman est ici fidèle à sa réputation de slacker du hip-hop. Avec cette deuxième sortie, le label new-yorkais Coup d’Etat (à qui l’on doit une galette de J-Live) prend avec Paullelujah un virage risqué mais plutôt plaisant. Amateur de puzzles et autres illustrations géométriques (édités dans le New York Times, Game Magazine, Spin, Shout NY…), Paul Nathaniel B. ajoute ici une nouvelle pièce à son oeuvre cinglée. Et c’est du hip-hop.