Depuis quelque temps maintenant nous vantons, dans ces colonnes, la vigueur d’une école belge de jazz qui abrite d’excellents instrumentistes. Au-delà des qualités personnelles de chacun des musiciens, il est plaisant de s’apercevoir que ceux-ci, qu’ils soient wallons ou bien flamands, de naissance, d’adoption ou de circonstance, font parler d’eux au travers d’ensembles homogènes tels les groupes Aka Moon ou encore, Ugetsu, sextet européen inconnu en France, qui ravive au travers de compositions maison l’esprit d’Art Blakey et des Jazz Messengers (j’en profite pour recommander à tous les jeunes gens susceptibles d’extorquer quelques fonds à leurs aïeux chéris Art Blakey et les Jazz Messengers au Jazz Club Saint-Germain 1958 parmi d’autres réussites). Preuve que, en musique comme dans bien d’autres choses, on n’est rien sans les autres.

Maxime Blésin, guitariste électrique de son état, a choisi un instrument qui a déjà beaucoup compté pour le rayonnement du plat pays grâce aux personnalités de Django Reinhardt ou de René Thomas. Sa technique de jeu rappelle plus facilement quelques grands maîtres américains, Montgomery, Scofield ou encore Metheny : une belle sonorité, un jeu efficace fait d’accentuations et d’accords, le tout dans un tempo impeccable. Il a choisi de fédérer ses troupes dans une formation à la configuration relativement originale puisque la guitare s’agrège à un quartet classique avec saxophone ténor, rappelant une autre excellente formation, qui officiait parfois dans la défunte Villa, rue Jacob, une quinte royale dans laquelle on trouvait notamment Steve Potts au sax, Mickey Grailler au piano et Simon Goubert à la batterie… imparable ! Le susdit effectif se compose d’Eric Prost, d’Emmanuel Duprey, de Sal La Rocca (dont nous disions tout le bien du monde dans les lignes consacrées à Nathalie Loriers le mois dernier) et de Mourad Benhammou.

Eric Prost dope littéralement cet enregistrement grâce à un phrasé que l’on peut qualifier, bien sûr, de typiquement coltranien (bien qu’il faille alors préciser de quel Coltrane on parle -une réponse figure dans un hommage rendu au maître d’Offering-) et grâce au souffle d’un Booker Ervin. Mais c’est surtout sa sonorité qui fait de lui un splendide instrumentiste, qui aime semer ses chorus de questions intrigantes. L’ensemble, servi par une rythmique impeccable (cf. Rafistolade), s’adonne à des interprétations nerveuses (à l’exception d’une ballade dédiée aux oiseaux) de compositions hard bop-funky réussies écrites par le guitariste. La prise de son très vivante et la musique laisseraient volontiers penser que cette production familiale a été captée sur le vif.