Plus ça va, plus Mego -qui reste soit dit en passant le meilleur label électronique en activité- commence à nous poser, sérieusement, une question. Doit-on juger la ligne artistique du label, oeuvre, semble-t-il, des bosses Ramon Bauer (moitié des trop rares General Magic) et Peter Rehberg (Pita), sur un plan purement artistique, ou plutôt un rictus aux lèvres, admiratifs que l’on est de la géniale attitude que celle-ci incarne ? De la j-pop de Noriko Tujiko au dark ambient minéral de Pure ou à l’electro body music du nouveau millénaire de COH, Mego semble prendre un malin plaisir à détourner toutes les attentes.

L’italien Massimo Sapienza, qui débarque à nouveau ces jours-ci avec un monstre de noise en long format, est au pinacle de notre incrédulité. Il y a quelques mois, il s’inventait une réputation, après quelques insignifiants mais pas inintéressants essais sur Staalplaat ou Microwave, via le très joliment titré Let me see your USB I’ll show you my firewire, soit un disque d’excellent digital harsh noise qui a surtout fait parler de lui pour son artwork porno nerd. Ce nouveau Hello dirty y donne suite et complexifie un peu la donne, mais force est de parier que le disque risque à nouveau de percer la multitude des sorties avant electronica grâce à sa pochette uro-porno humoristique seulement, puisqu’on peut y voir une miniature hentai à lunettes se masturber, dans toutes les positions, avec divers accessoires, un sourire extatique sur le visage, probablement provoqué par la prise excessive d’acides hello kitty (fourni dans le kit)… Bref, du choix de la pochette jusqu’aux recommandations du label (« file under sex/noise/armageddon »), tout est fait pour gommer les frontières entre la musique et sa plus-value (objet de désir, objet de subversion, marketing, image, attitude). C’est pas nouveau, me direz-vous, mais c’est la première fois qu’un label indépendant évoluant dans un circuit aussi spécifique s’empare à ce point du paradoxe pour le souligner : et oui, amis adeptes du sabotage sonique, vous êtes des consommateurs iconophages comme les autres.

Quoi de sexuel, sinon, dans ces quarante minutes de boucan digital en fusion ? Quelques ébauches de spleen mélodique décharnées, magnifiques (5), des textures vraiment crados plutôt analogiques dans le rendu d’où s’échappent quelques boucles mal formées (4), et quelques moments de pure catharsis (8) qui nous rappelle que c’est le sieur Masami Akita, aka Merzbow, qui évoqua le premier le lien essentiel existant entre noise music et pornographie, via l’art masochiste du bondage. Bref. Au-delà (si c’est possible) de tout le bavardage que ce nouveau Hello dirty provoquera sans doute, il existe finalement, sous la pochette et les poses au demeurant très marrantes de monsieur Sapienza, un excellent disque de débauche électronique presque meilleur que Get down, le dernier Pita. Si la musique gravée derrière les images intéresse quelqu’un, et si Mego s’en soucie encore.