Le classicisme se vend mal dans le rock. Délicat en effet que de revendiquer haut et fort ses références sans sombrer dans un revival de plus, de s’approprier un style déjà connu en y apposant sa patte discrète mais sûre, de faire comprendre que l’originalité ne donne pas forcément les meilleurs disques (qui a dit Radiohead ?)… Pour les maisons de disques, il est plus facile de nous présenter d’un côté King Of Convenience et de l’autre Limp Bizkit en proclamant qu’il y en a pour tous les goûts. Et entre les deux ?
Les excellents Luna se situent justement dans ce no man’s land passionnant et revendiquent clairement l’héritage du Velvet Underground et de Television. Leurs disques livrent régulièrement une bouffée de rock mid-tempo à voix monocordes. Quand on possède sa carte du club, c’est le bonheur garanti. Les solos évitent toujours le bavardage pour trouver la dissonance ou le larsen révélateurs. Bref, une certaine idée de l’intelligence et du bon goût. Luna a même poussé le vice jusqu’à inviter feu Sterling Morrisson et Tom Verlaine sur deux albums. Au moins c’est clair.

Ce Live, ne déroge pas à la règle : il s’agit d’un excellent disque de rock new-yorkais. Jamais franchement original, jamais banal non plus. Ce subtil dosage constitue tout l’art de Luna. La voix de Dean Wareham symbolise parfaitement la musique du groupe. Nonchalante, sans relief, elle possède un charme unique, comme une sorte de Lou Reed timide. Moins planant qu’à l’époque de Galaxie 500, Wareham est devenu un leader vraiment singulier et attachant L’autre intérêt de la potion Luna reste sans conteste le parti pris du « tout-guitare ». Le groupe ne se contente par de l’alternance rythmique-solo. Ici le moindre arrangement est réalisé à la six-cordes. Tremolo, fuzz, reverb, larsen, distorsion, tout y passe sans jamais lasser. Une totale réussite encore plus évidente en live qu’en studio. A tel point que, lorsqu’une trompette débarque sur Hello little one, on se demande quelques secondes de quel effet de guitares il peut bien s’agir. « La guitare est un instruments sans limites. Nous ne voulons pas sonner comme ces groupes anglais avec leurs éternels arrangements de cordes sur les refrains. C’est trop banal », nous expliquait l’an dernier Dean Wareham. Ce live illustre parfaitement ce parti pris. Des titres comme 23 minutes in Brussels (sans le solo de Verlaine malheureusement) ou Pup tent et Tiger Lily sont au Velvet ce qu’Unforgiven d’Eatswood est au western : un hommage moderne, sensible et jamais ironique. En plus, Luna joue vraiment le jeu du live et laisse courir la bande, captant ainsi quelques commentaires amusants. Unique regret : pourquoi avoir choisi de conclure le disque sur la reprise de Bonnie and Clyde ? Leur énigmatique relecture de Sweet child’o’mine des Guns manque cruellement à l’appel. Un argument pour se déplacer lors de la prochaine tournée…