Depuis son premier album, le déjà intouchable I could live in hope en 1994, Low n’a eu de cesse, à chaque nouvel opus, de publier un disque encore plus beau que le précédent. Avec Things we lost in the fire paru en 2000, le génial trio de Duluth avait atteint un sommet. Difficile désormais de surpasser ce monument. Telle était notre première réaction à l’écoute de Trust, alors que durant deux jours d’août, nous partions sur les routes du sud-ouest écouter cet album en voiture, cet unique CD dans l’autoradio. Non pas qu’on était déçus mais plutôt déboussolés par ce son qui a gagné en ampleur (finie l’aridité Albini), et perdu de sa concision pop (adieu Sunflowers), alors que nous traversions les routes du Gers bordées de tournesols étincelants. Ce n’est que sur la deuxième partie du disque que Low se rapproche de cette orientation pop et ensoleillée de leur sixième album, les harmonies vocales des Beach Boys en point de mire.

Sur la première partie de Trust, Low renoue avec des expérimentations plus bruitistes entendues sur Songs for a dead pilot. Possédant une tonalité quasi-biblique, cet album devient aussi claustrophobe, à l’image de I am the lamb où Mimi, Allan et Zak troquent leurs disques de pop californienne contre ceux de Bauhaus, conférant une atmosphère quasi-gothique à l’édifice. Ce que soulignent également les cloches très « Andrei Rublev » de John Prine, un hommage impeccable à ce grand songwriter country folk américain. Il était donc temps de rentrer à Bordeaux afin de se plonger une nouvelle fois dans les vinyles de ce Facteur Cheval des 70’s américaines et retrouver, orgueilleuse, la vieille ville et ses églises médiévales.

Toutefois, c’est dès les premières mesures de (That’s how you sing) Amazing grace , que Low nous avait fait pénétrer dans cette cathédrale gothique, bande-son rêvée de l’oeuvre de Robert Musil. Plus loin, Little arguments with myselfrenoue avec les harmonies féeriques et la contemplation propre aux premiers enregistrements du groupe. « J’ai fermé mes yeux, comme Marvin Gaye » chante Alan Sparhawk sur In The Drugs. On veut bien le croire, à l’écoute de ce chant qui a pour écho quelques lointaines notes de banjo et qui relève d’une perfection vocale inouïe. En dehors de toutes contingences de mode, Low poursuit donc son parcours ascétique sans fautes, dominant outrageusement le reste de la mêlée rock américaine.