De la composition à la production, en passant par le packaging, tout de ce processus créatif procède d’une identité musicale en même temps qu’il participe à sa construction. Larmousse semble avoir négligé ce facteur : précocité du groupe, absence d’idées ou échec de cette alchimie, on ne saurait dire. En tout cas, Larmousse n’est manifestement pas parvenu à se créer une identité propre. Une pochette insignifiante, sinon laide, un nom des plus vilains et surtout, une musique qui recycle ouvertement ce qu’Arab Strap / Mogwai / Ganger ont commis de mieux depuis cinq ans. Bref, tout ça contribuerait bientôt à faire de ce jeune duo, surgi d’une cave de Glasgow, un groupe parfaitement ringard, un éternel loser en retard d’une guerre.

Pourtant, ce n’est sûrement ni par charité que City Slang a signé le groupe (sur la foi d’une cassette), ni par philanthropie que Guy Fixsen, ingénieur du son du Loveless de MBV et laborantin de Laika, a accepté de produire ce long quatre titres. Le casque vissé sur les oreilles, confortablement calé dans son fauteuil, la musique de Larmousse ne tarde d’ailleurs pas à faire son effet : paupières closes, battement irrépressible du pied, ondulation du cou, et hop, on replonge le sourire aux lèvres dans les affres de la mélancolie. C’est que les quatre plages, extrêmement fluides, n’en finissent pas de glisser en cascade, comme un jeu de dominos filmé au ralenti. Les ambiances s’y enchaînent diablement bien, sans possibilité de retour. La batterie sur Static phase résume en un sens assez bien cette impression en alternant trois coups en binaire et trois coups en ternaire : le binaire sonne comme une envie d’aller toujours de l’avant tandis que le ternaire vient freiner le rythme de la progression. Avance, freine, avance, freine, etc.

A Universal hello, d’abord sorti sur format 12 minutes, démarre magnifiquement en mettant en scène ses éléments un à un : une caisse claire noyée dans un halo de torpeur, une guitare languide à souhait, un clavier jouant sur trois notes fragiles puis une percussion plus puissante. Transition en palier et l’ensemble progresse vers une note sortie droit des cimes électriques de Loveless. On oubliera en revanche totalement la dernière partie du morceau, plus musclée, où nous est servie une resucée servile de feu Ganger, époque Hammock style. Relics & artefacts joue quant à lui habilement sur les entrelacs d’arpèges acoustiques, façon Turnstyles & junkpiles de Pullman, sans pour autant tomber dans le « je-m’écoute-jouer-et-j’aime-bien » pour le marier à d’autres sonorités et une voix très en retrait (assez dispensable en fait). Tape lorgne également beaucoup (trop) du côté de chez Ganger et donne surtout envie de se repasser toute la discographie du groupe. Tape est donc par déduction un bon morceau, mais quid de l’inspiration ?!

Au final, quelques passages superbement amenés, mais aussi des moments pénibles, tant il est difficile d’ignorer des similitudes flagrantes avec d’autres groupes autrement plus créatifs. Frustrés, on est pourtant impatients de connaître la suite. C’est la jeunesse de ce duo parachuté presque malgré lui dans les bacs qui lui vaut notre indulgence, son immaturité qui le prémunit contre notre agacement. Une fois rodé, on ne pourra plus lui trouver d’excuses.