Ave ce quatrième album, Labradford signe à la fois son arrivée sur le devant de la scène indépendante et dans le monde du silence. En effet, c’est au moment même où ils accèdent à une certaine notoriété, où critique et public reconnaissent la valeur du travail accompli par les trois américains ces cinq dernières années qu’ils s’enfoncent dans la pénombre musicale, privent leurs compositions de voix -mais heureusement sans les vider de sens. Sur un plan strictement musical et harmonique, c’est aussi une avancée à pas de géants vers plus de rigueur, d’épure. Tout est mis en œuvre pour laisser la place belle aux respirations, aux montées d’atmosphère. Ce travail sur la subtilité tend à rendre leur musique discrète, secrète, mais jamais futile. L’orgue se taille la part du lion au milieu d’une multitude de petits bruits qui viennent rythmer les morceaux comme autant de battements de coeur. On parlera alors d’une musique qui s’adresse plus à l’âme ou à l’intellect qu’au corps, une musique parfaitement intime, viscéralement cérébrale. Les titres eux-mêmes sont rélégués au rang d’initiales. S pour Spaghetti, F pour Footsteps, V pour Victor, P pour Piano. Certes, tout allegro est banni des installations sonores proposées par Labradford, le sonique est mis aux fers, les crises de nerf reléguées dans un subconscient lointain. Il n’en reste pas moins que ces structures musicales qui redonnent un sens à l’expression « musique en apnée » incitent sacrément à plonger dans le monde de Labradford.