Qui ne connaît pas la légende de la diva aux pieds nus ? Tous les fans de Cesaria Evora connaissent aujourd’hui l’histoire de ses galères, à l’époque ou elle interprétait ses morna douces et voluptueuses contre quelques monnaies sonnantes et trébuchantes ou contre quelques verres de rhum sur les bateaux de passage notamment. Le public français connaît moins le parcours de La Negra Graciana, monument impressionnant, et par la taille, et par le talent, de la musique mexicaine, que l’on rencontre dit-on certains soirs dans les faubourgs qui entourent le port de Veracruz, en train de vivre la même destinée que Cesaria. Sauf que cette dernière a connu le succès depuis… Alors que Graciana Silva Garcia, de son vrai nom, continue, elle, à connaître des succès, certainement populaires pour ses compatriotes, mais qui sont moins marquants pour le monde de la musique sur un plan international. Très tôt venue à la harpe (à dix ans), elle joue (sa harpe a 38 cordes) et chante avec ses Sones jarochos avec une grâce inégalable, accompagnée de deux guitares, une huit cordes (la jarana) et une quatre cordes (la requinto). Une musique qui symbolise la rencontre entre l’Afrique et l’Europe sur le sol des Amériques. Un passé qui remonte malgré lui… et qui raconte d’une certaine manière la Conquête espagnole par la triste épopée de Corto et de ses navires guerriers sur le Mexique en 1519. Loin des célèbres mariachis, le son jarocho brille par sa capacité à reprendre certains motifs rythmiques africains. Un son métis. Qui n’a pas séduit le label Corason uniquement, puisque La Negra Graciana est également ressorti en album live chez Buda Musique, à l’occasion d’un passage parisien au Théâtre de la Ville. Les deux albums se complètent en fait, bien que le second contienne quatre titres (sur dix-sept). Des chants en tout cas d’une beauté cristalline, qui s’exhibent avec des contre-temps heureux pour incarner au mieux la vie de tous les jours.