KRS-One a une grande gueule. Deux pages du déjà légendaire Egotrip’s book of rap lists paru cette année sont ainsi consacrées à ses principales déclarations égomaniaques depuis dix ans (du style : « I am rap music. Where I go, rap goes. » –The Source, avril 1992) -et encore ne s’agit-il que d’une sélection. On pourrait en rire. Vanilla Ice aussi, après tout, avait une grande gueule (mais c’était avant de rencontrer Suge Knight). Sauf que, et ce disque est là pour nous le rappeler, KRS-ONE a derrière lui une carrière de près de quinze ans dans le hip-hop, et que sa voix grave, depuis, n’a cessé de faire bouger les dancefloors.

Jeune homme du Bronx en colère, crédité blastmaster sur le premier album de Boogie Down Productions produit par le regretté Scott La Rock (1962-1987), dont trois titres sont ici repris, l’éponyme Criminal minded et les classiques South Bronx et The bridge is over, il s’est forgé petit à petit une image de Grand Professeur du Rap, à coup de conférences dans les universités et, surtout, de morceaux de pur hip-hop, disséminés sur des albums inégaux mais toujours intéressants : dès le deuxième album de BDP, en 1989, il affirmait ainsi I’m still # 1, et commençait ses cours avec My philosophy. Les années 1990, qui seront sauvages pour les rappeurs de sa génération, le verront poursuivre sans mal son autoglorification et ses leçons de MCing (You must learn, MCs act like they don’t know), tout en produisant de temps en temps des hymnes puissants, capables d’enflammer les cités du monde entier (Sound of da police, Black cop), voire les FM les plus mainstream, comme son Step into a world (Rapture’s delight) interpolant Blondie, en 1997.

Dans cette sélection sans faille, on regrettera toutefois l’absence totale du plus sous-estimé des albums de Boogie Down Productions, le Sex and violence de 1992 (dont la pochette hideuse a certainement fait fuir tous les amateurs), mais qui contient au moins une perle que l’on aurait aimé voir figurer ici : son morceau-titre aux inflexions ragga, une production méconnue de Prince Paul. Tant pis. Tant de classiques, réunis sur un seul disque (préférez la version vinyle, si vous avez envie de faire danser vos amis), ça ne se refuse pas.