Ce cinquième volume de la série des Sonic Youth Recordings vous semblera, selon vos goûts et votre humeur, soit génial, soit pénible. Après plusieurs écoutes, je confirme qu’il tend plutôt vers le génial. SYR5 est un disque à l’initiative de Kim Gordon (pas de nouveau Sonic Youth en vue), accompagnée par Ikue Mori (ex-« batteuse » du légendaire groupe de no-wave DNA) et DJ Olive, platiniste à l’origine du terme « illbient » (aussi ridicule que le terme « post-rock » mais plus précis sémantiquement). Le disque est d’ailleurs décrit sur le site officiel du groupe comme un album d’ »illprovisation » : on ne saurait mieux dire !

Petite nouveauté par rapport aux volumes précédents de la série : les onze titres en font un album complet, plus abouti que les disques avec Free Kitten (Kim Gordon + Yoshimi + Mark Ibold). A mi-chemin entre l’album Death praxis de Tenko et Ikue Mori pour les percussions, de Merzbow pour les excursions bruitistes et de l’électro-acoustique à la française (école INA-GRM) pour les bruitages électroniques, SYR5 est passionnant de bout en bout. Un seul exemple : en quatre minutes, le premier morceau passe de l’ambient aux bruits d’oiseaux nocturnes (qui me font penser au travail de Bernard Fort) au bruitisme trash ponctué de percussions industrielles et se termine par des guirlandes de clochettes mourant sur des échos de cuivres… Bien sûr, la voix intrigante de Kim Gordon plane sur la moitié des morceaux, achevant de les transformer en incantations fantomatiques (ce qui ne déplaira pas aux fans du Sonic Youth plus « traditionnel »). Ailleurs, la guitare se fait plutôt soit « ranaldienne » (bruyante), soit « moorienne » (répétitive, dissonante, mélodique malgré tout). Mais surtout le travail d’Ikue Mori et de DJ Olive achève de donner à tous ces morceaux une consistance impressionnante. Effet immédiat pour l’auditeur : on ne s’ennuie pas. On est captivé par cet univers sonore complet et passionnant, bien éloigné d’autres disques d’impro arides et chiants (en comparaison, le Bouquet de Ranaldo/Marclay/Hooker paraît soudain moins intéressant). Autre exemple : le titre n° 4 (ne me demandez pas les titres, c’est écrit en japonais), avec une guitare en boucle et en écho parsemée d’effets électroniques carrément space-rock est en fait un pur délire psychédélique parfaitement planant ! Des guitares lo-fi se mélangent à des drones qui se mélangent à des rythmiques ivres et à des bruits d’égouts qui se vident… De la poésie sonore aussi, un peu, du punk, la bande-son d’un cauchemar dans un motel perdu… No wave pas morte (juste plus expérimentée…) !

En bref, ce volume de la série des disques « libres » de Sonic Youth est certainement un des plus réussis, un coup de maître pour un coup d’essai ! Violent, hypnotisant et beau, ce disque prouve s’il était besoin que Kim Gordon est un élément clé et un des plus créatifs de la jeunesse sonore. Vivement les prochains volumes !