Le nom de Kim Fowley ne dira peut-être pas grand chose à la plupart d’entre vous, pourtant cette asperge de près de 2 mètres est, de près ou de loin, associée à tout ce que le rock américain a produit d’essentiel ces 40 dernières années et vous trouverez forcément sa trace au sein d’une bonne partie de votre discothèque. Des noms ? Gene Vincent, The Seeds, The Soft Machine, The Mothers of Invention, The Byrds, Jonathan Richman & The Modern Lovers, GG Allin, Guns & Roses, Roni Size, Sonic Youth… mais la liste est impossible à énumérer totalement et encore plus à compléter. Kim Fowley lui-même sait qu’il a sans doute oublié quelques chapitres à sa biographie et invite qui veut à l’aider à se remémorer les détails d’une vie menée à 100 à l’heure sur un site aussi gargantuesque que son géniteur est multi-facettes : auteur, compositeur, interprète, arrangeur, producteur, écrivain, poète, Mc, consultant, acteur, découvreur de talents en friche… là encore, la liste est longue.

La structure Microbe apporte humblement une pierre à cet édifice grâce à la réédition de ce magnifique Living in the streets, compilation de singles obscurs couvrant la période 1967-1974, qui n’avait connu jusqu’ici aucune résurrection numérique depuis sa sortie initiale, en 1977. L’idée est excellente puisque ces titres, parfois sortis sous des pseudos hilarants (Jimmy Jukebox, King Lizard…), sont une bonne entrée en matière pour aborder l’oeuvre de Kim Fowley : au long des 12 chansons réunies sur cet album, on trouve autant les morceaux façonnés pour faire des coups, du cash, donc ultra formatés pour les canons esthétiques et commerciaux de l’époque (le glam pour Motorboat, le rock variét’ pour 24 hours a day), que le rock’n’roll le plus pur (Born to make you cry accompagné par un Stepenwolf très en forme), les rencontres entre un coq et les Beach Boys (California sumertime), les délires mytho-sexuels (Summertime frog, Love bomb) ou encore les délires tout court (Sex, dope & violence).

Living in the streets rend compte de la personnalité schizophrène de Kim Fowley, capable de créer des tubes imparables -pour d’autres que lui ou sous des pseudos- et toujours prompt à saborder ses propres enregistrements par de mauvaises manières et une sauvagerie toute rock’n’rollienne… De quoi assurer son éternel abonnement au who’s who du guide des « inconnus célèbres » ! Cette collection de pépites permet de se rendre compte de l’étendue de la palette de ce caméléon -sans doute supérieure à celle d’autres célèbres « faiseurs », comme Bowie, pour ne citer que lui-, toujours capable de surfer sur l’air du temps et d’en tirer les éléments les plus essentiels pour le régurgiter à sa sauce. Allez, histoire de faire les grincheux, un reproche quand même : Kim Fowley disposant de beaucoup de matériel inédit ou rare, quelques bonus auraient été les bienvenus afin de faire durer le plaisir, puisque Living in the streets, conçu à l’origine pour le format vinyle, est assez bref. Mais un bon disque de rock’n’roll, c’est toujours trop court, non ?