Après ses brillantes collaborations avec Money Mark et son intervention plus que bienvenue sur Handsome boy modeling school, Kid Koala était attendu au tournant pour la sortie de son premier album. La chose est faite, enfin. Elle s’appelle Carpal tunnel syndrome. 38 minutes (c’est bien court, malheureusement) de scratches hallucinés, incessants, de mix forcenés et de samples discordants qui s’enchaînent de manière frénétique…

Pour nous en mettre plein la tête, Eric San se contente du matériel rudimentaire : platines et sampler, ni plus ni moins. Mais, rien à redire, il s’en sert comme un dieu. Il les pousse à bout et en explore toutes les possibilités. Apparemment, ses allers retours infernaux n’ont de cesse que lorsque le disque fume, fond peut-être même… Mais d’un morceau à l’autre, histoire de rendre son album encore plus vivant, Kid Koala se déchaîne toujours de manière différente. Ses agencements et ses superpositions d’échantillons vont des basiques passages mélodiques (Fender Bender, Naptime) au hip hop instrumental rapide et déjanté (Music for morning people). Le point commun réunissant des ambiances aussi différentes est flagrant : l’inévitable arrivée du furieux scratch de Koala revient encore et toujours sur chaque instrumental. Elle a pour seul et unique but de semer le chaos, partout où elle passe. En retournant ses sons dans tous les sens (guitares, sifflements, cris de poulets, hurlements…), Eric San a le mérite de savoir parfaitement s’y prendre pour faire dévier ses morceaux vers la folie pure. Il n’hésite pas à insister en matière de dévastation vinylistique, allant même jusqu’à scratcher l’intégralité des sons utilisés d’un morceau, dans Like irregular chickens (on notera au passage la petite référence à Eraserhead, reflétant bien la bizarrerie de cet album). Ce prodige de la platine profite d’ailleurs de l’opportunité d’un album solo pour laisser libre cours à ses scratches lâchés à l’air libre, sur de longues durées, sans aucun rythmes pour les soutenir (sur Drunk trupet, par exemple). Même sans accompagnements, ils tiennent la route. C’est infernal…

Seulement, ses allers et retours de disques sous le diamant ne servent pas uniquement à semer la panique. Il arrive parfois au Kid Koala de temporairement faire rentrer les choses dans l’ordre ; pour nous produire des petits scratches subtils qui, à eux seuls, constituent toutes les parties mélodiques d’un morceau (Temple of gloom). C’est définitivement impressionnant, radicalement expérimental et bien souvent incompréhensible.