Plus bruyant que Kid Spatula, plus provocant que Kid Koala, Kid 606 est certainement le plus turbulent des kids de l’électronique actuelle -et le plus productif ! A 21 ans, il a déjà à son actif plus d’une vingtaine de sorties (albums, maxis, EP, remixes…) sur des labels aussi divers que Carpark, Tigerbeat6, 555 Recordings of Leeds, Vynil Comm, etc. Mais ce Down with the scene est un véritable album sur un label de prestige, Ipecac, fondé par l’extravagant Mike Patton, qui compte déjà à son catalogue les non moins extravagants Melvins, Fantomas ou Maldoror…

L’album se compose de dix-sept morceaux d’une electro-drum’n’bass punk chaotique bourrée de l’humour corrosif qui manque parfois à Alec Empire (mais pas moins bruyante que certains Merzbow, idole avouée du Kid). Il faut dire qu’avec des titres hilarants comme Luke Vibert can kiss my indie-punk whiteboy ass (parodie réussie du précité Luke Vibert) ou It’ll take millions in plastic surgery to make me black (40 secondes de provoc digitale), déjà on s’amuse bien. Plus sérieusement, Buffalo606 est une perle poétique digne du film de Vincent Gallo, qui prouve à elle seule que le Kid est un prétendant très sérieux au trône d’Aphex Twin, talonné de près par Christophe de Babalon (avec qui il a partagé un maxi sur Fat Cat). Kidrush est effectivement d’une urgence stressante, renforcée par le discours énervé d’une riot girl tandis que GQ on the EQ (originellement paru sur 555 Recordings en vinyle rouge) et Ruin it, ruin them, ruin yrself tha ruin me font figure de morceaux de bravoure dans la mesure où ils font mieux qu’Autechre sans se fatiguer : déchets sonores, rythmiques hip-hop tordues, guimbarde-gameboy : terrible. Toujours avec un énorme sourire en coin, le kid imite Prince sur Secrets4sale, et voilà une bonne tranche de funk électronique dysfonctionnel et torturé. Bien sûr, on a aussi droit à quelques décharges puériles de bruit incontrôlé (Juvenile hall rollcall, Two fingers in the air anarchy style, Hardcore). Curieusement, il y a quand même un petit morceau ambient, le bien nommé For when yr just happy to be alive. Mais le naturel revient vite au galop avec Dame nature, morceau puissant et tendu qui est évidemment tout sauf naturel et évoque plutôt une rave qui tourne mal dans un hangar de banlieue. My kitten résume tout le talent d’architecte du Kid, entre couches de parasites et mille-feuilles de papier de verre. Le disque se termine par un remix de Hrvatski, hilarant et débile, (raggamuffin de bruit blanc ?) conclusion parfaite d’un album qui laisse pantelant.

Ce qui frappe le plus chez Kid 606, c’est la facilité apparente avec laquelle il semble avoir composé ces morceaux, comme enregistrés par-dessus la jambe, du genre : rien à foutre, c’est à prendre ou à laisser. Cette électronique vit, gueule, remue, mord et ne se laisse pas faire. Ce qui la rend essentielle, au regard de l’ensemble d’une production techno majoritairement aseptisée et nourrie de clichés. Vive les enfants malpolis !