Un album qui réunit quatre des plus belles voix de l’Afrique de l’ouest. Des divas maliennes qui campent le mystère de la djeliya dans toutes ses limites, la djeliya étant cet art majeur qui consiste, dans certaines familles de l’Afrique occidentale (les Kouyaté, les Diabatés, les Cisssoko), à savoir manier la langue d’une façon si particulière (en musique notamment) dans le but de traduire de génération en génération la geste héroïque et l’histoire épique des anciens souverains du Mali, depuis l’avènement des seigneurs de Ségou ou de Soundiakata Keïta au 13ème siècle jusqu’à leurs descendants actuels (tout en jouant le rôle de garant social d’une sagesse séculaire qui impose de défendre l’histoire, la morale ou la religion). Un art qui s’est lentement affiné avec le siècle et qui s’oriente beaucoup plus aujourd’hui vers des formes artistiques plus libres, qui débordent les notions de caste pour aboutir à un professionnalisme moins lié au passé qu’au présent imposé par les nouvelles donnes de l’industrie discographique.
Lorsqu’on naît djeli (griot) ou djeli mousso (pour les femmes), de nos jours, la tendance veut qu’on sache mêler à la beauté des mélodies ancestrales et à l’authenticité des rythmes qui les accompagnent des textes relatant la réalité contemporaine, aussi dure soit-elle, dans la mesure où le public ne se suffit plus des louanges destinés à tel ou tel seigneur, même vivant. De cette tendance sont issus de grands noms de la musique ouest-africaine, qui choisirent de passer du statut de griot tout court au statut plus ouvert d’artiste, tout en gardant ce qui faisait leur force dans les sociétés traditionnelles d’où ils venaient.
Parmi ces artistes, trônent les quatre divas présentes sur cet album. Elle ne sont pas toutes nées dans la caste des djeli mais s’en revendiquent, avec leurs voix aigües qui tranchent, bien que la plupart de leurs textes rentrent dans la nouvelle donne artistique… La filiation n’est de toute façon pas usurpée. Il est vrai qu’elles ne sont pas le fruit du néant, elles partent toutes d’une tradition forte, qui existe encore mais sous une forme « déniaisée ». Kandia Kouyaté est issue d’une des plus grandes lignées de musiciens griots du Mali. Mah Damba est la fille d’un des plus fameux chanteurs et conteurs d’épopée du pays. Sali Sidibé a dû lutter contre la force paternelle pour avoir le droit d’entamer une carrière de musicienne. Oumou Sangaré fait partie des avocates du nouveau sound du Wassoulou. Une anthologie incontournable. A écouter le plus rapidement possible…