Joachim le petit octet solitaire (alias Joachim Bouaziz) est un nouveau venu dans la scène électronique française, et il devrait faire parler de lui. Tiger sushi est un album complet d’ambient jazz, si on veut. Je ne sais pas si certains instruments sont live ou live puis samplés (on entend de la contrebasse, du vibraphone, du saxo, de l’orgue), toujours est-il qu’on se rapproche parfois des ambiances développées par Frédéric Galliano (F Comm).
Visiblement, Joachim a beaucoup écouté Miles Davis et l’a d’ailleurs samplé sans vergogne sur le premier morceau Rêve 1 (un extrait de In a silent way mixé avec des bruitages électroniques, très réussi). Huit longs titres (entre 7 et 10 mn) qui se développent tranquillement et demandent une certaine attention. Grenade, par exemple, distille une atmosphère de suspense et d’inquiétude très réussie, pour se terminer par quelques battements de mains groovy. Mesdames et messieurs, nous approchons les territoires de Barry Adamson. Oleg dans les bois commence effectivement dans des sous-bois humides. Arrivent les percussions, les basses et un groove subtil et lancinant s’installe. A la lisière, on est funky comme Herbie ! Pace le bien nommé est très calme et très beau.

Curieusement, avec Joachim, on pense parfois aussi au jazz français énervé mais inventif d’Étienne Brunet ou de Daunik Lazro. Melting blue ice débute vraiment comme du Herbie Hancock période Sextant, un titre solaire et brûlant avec nappes de synthés laser et groove africain. Pailo pailo, plus free, oscille entre musique de polar et musique contemporaine répétitive (le piano, le xylophone) tandis que Drunk moon retrouve des ambiances plus électroniques (désolé, mais Herbie et ses Headhunters semblent omniprésents dans ce disque), avec même quelques voix.
Enfin, le disque se termine par les 11 minutes de Tiger sushi, exotica moderne, découverte de la jungle, un coucher de soleil sur les pagodes, un fantasme seventies bien senti… En bref, un art consommé de la programmation, un grand sens musical font de ce premier album une réussite. Seul reproche : on frôle parfois l’elevator-jazz, l’exotica Ikea, le funk ranci… La frontière entre la musique sans âme et la musique de l’âme est mince. Heureusement, Joachim est un bon équilibriste. A découvrir.