Au cours d’un accouplement contre-nature, quasi « lovecraftien », Barry White et Elton John auraient donné naissance à une créature étrange, hybride, crooner disco de par son pôpa, fofolle carnavalesque de par sa môman. Le fruit de cet union : le Finlandais Jimi Tenor, compositeur-fusionneur de musiques moites et urbaines nourries de funk électronique, de free-jazz et de génériques de séries TV américaines.

Avec Organism, son -déjà !- quatrième album, Tenor donne un grand coup d’accélérateur à sa carrière. Un disque fiévreux et festif qui démarre sur les chapeaux de roues avec le bien nommé Total devastation, irradiant nos tympans avec son riff nucléaire, sa basse chaloupée et des cuivres bagarreurs qui doivent beaucoup au « maître » Lalo Schifrin. Puis c’est au tour de John Barry de venir faire un tour sur le rap funky Serious love, à l’orchestration prodigieusement ample et torturée. Tout le reste de l’album, au total 10 pistes, est du même tonneau, passant sans transition de la soul jazzy la plus moelleuse (My mind) au funk le plus « saturday night ». Difficile d’y faire un tri, mais quelques évidences sautent au yeux : le fabuleux Sleep sur lequel Jimi Tenor joue les crooners langoureux, une chanson qui regorge de sex-appeal… On ira aussi planer sur le psyché-tordu Muchmo où les instruments semblent s’être pris la cuite du siècle, pour atterrir en force sur le single imparable qu’est Year of apocalypse sur lequel Tenor exhibe sans complexe son costume à paillettes et ses moonboots, déployant une batterie de chœurs wagnériens impressionnante sur un disco diabolique… Bref, un grand album, inventif, brassant les courants musicaux passés et à venir avec une incroyable agilité, l’ultime showdance avant le prochain millénaire…

Sans doute manque-t-il encore à Jimi Tenor un véritable hymne fédérateur, qui ouvrirait les yeux à un large public gavé jusqu’au dentier de R’n’B tiédasse. Mais on a finalement peut-être envie de se garder notre crooner binoclard blonde platine pour nous et de laisser les autres écouter de l’urine de chat. Car parfois, n’est-ce pas, rien ne remplace les plaisirs solitaires…