Fin des années 1960 : Jerry Garcia, déjà légendaire guitariste du Grateful Dead, vient régulièrement respirer l’air du jazz funky de son compère Howard Wales, organiste, pianiste et entremetteur de génie qui provoque une rencontre avec le bassiste John Kahn. De leur collaboration naîtra une petite fournée d’albums qui, pour être moins connus et moins indispensables de ceux du Grateful, restent tout à fait estimables pour qui goûte les envolées psychédéliques et les interminables improvisations jazz-rock qui sont la marque de fabrique de l’époque. Hooteroll ?, enregistré en studio en 1971 à partir de morceaux sédimentés en club à San Francisco, est cosigné par Wales et Garcia, dont c’est la première incursion phonographique en dehors du groupe. Autour d’un quartet Hammond B3 (Wales), guitare électrique (Garcia), basse électrique (Kahn) et batterie (Bill Vitt et Michael Marinelli) viennent s’agréger la trompette de Ken Balzall, les six cordes (rythmiques) de Curly Cook et les saxophones de Martin Fierro : les huit pistes de l’album (une grosse demi-heure de musique), avec leur mixage relativement aléatoire et leur son inimitablement seventies, propulsent trente ans en arrière mieux qu’aucune machine à voyager dans le temps. Riffs de guitare imparables, effets wah-wah, chorus d’orgues à rallonges, groove en béton et joies simples du quasi-boeuf en studio font de Hooteroll ? une petite perle jazzeuse bien dans la manière de ces années-là, à mi-chemin entre le Canterbury Style bâti de l’autre côté de l’Atlantique par Caravan, Soft Machine et compagnie et, pour l’enracinement tangible dans le blues, les sombres méditations jazz-rock du Lifetime de Tony Williams, la noirceur en moins. Wales et Garcia dévient volontiers vers l’expérimental ambiant (One A.M. approach, lente conversation pointilliste entre guitare et claviers), mais semblent s’épanouir le plus franchement sur tempos moyens ou élevés, motorisés par la basse impeccable de John Kahn (Uncle Martin’s). L’ensemble a peut-être moins de punch que les faces captées live (Side trips), mais cette galette ressuscitée des années cheveux longs et pattes d’éléphants (la pochette, signée Abdul Mati, vaut son pesant d’or) mérite vraiment le coup d’oreille. Anecdotiquement savoureux.