Il n’y a pas si longtemps, la musique de Jean Sibelius (1865-1957) passait encore pour marginale. Il était de bon ton d’attaquer une œuvre réputée passéiste. La société musicale -au moins dans les pays latins- s’abstenait poliment de tout jugement et les chantres de la modernité pensaient même, tel René Leibowitz, qu’il était « le plus mauvais compositeur du monde ».

Aussi faut-il saluer l’importance des efforts que déployèrent des chefs comme Herbert von Karajan, Leonard Bernstein et surtout John Barbirolli (dans une émouvante intégrale des symphonies éditées chez EMI) pour imposer cette musique. Aujourd’hui, alors que l’anachronisme de l’esthétique du compositeur n’a plus d’importance, la génération montante des chefs d’orchestre (souvent venus des pays nordiques) se jette sur cette musique. Esa Pekka Salonen (mais aussi d’autres moins célèbres : Leif Segerstam, Mikko Franck…) la dirige et l’enregistre avec bonheur.

Petri Sakari figure parmi cette prestigieuse génération montante d’artistes issus de l’Académie d’Helsinki. Il signe, à 42 ans, la fin de son intégrale des symphonies du père de la musique finlandaise. Le chef d’orchestre défend en effet une conception en rien folkloriste de cette musique et ne milite pas pour une « éternelle Finlande ». Il vise plutôt à recréer un univers sonore sans forme préétablie, à la mesure des partitions.

La 6e symphonie, assez peu jouée, n’est selon les propres mots de Sibelius « qu’eau pure ». Sakari explore à la tête de l’Orchestre symphonique d’Islande toute une palette de demi-teintes. La musique se fait transparence, un parfum de modalité court tout au long des quatre mouvements de la symphonie qui passe comme un songe. Sibelius signe, avec la 2e suite issue de la musique de scène composée pour La Tempête de Shakespeare et avec la 7e et dernière symphonie, quelques-unes de ses dernières œuvres. Comme Tapiola, dernier opus (1926), le style y est de plus en plus dépouillé, poussé jusqu’à l’ascèse.

La direction de Petri Sakari révèle la continuité organique propre à ces partitions et met en valeur les principes de croissance thématique, procédé typique de la pensée de Sibelius. Le compositeur, d’ailleurs, n’écrira plus rien après ces monuments et mourra 30 ans plus tard, persuadé qu’il ne pouvait aller au-delà de tels testaments.

Iceland Symphony Orchestra, Petri Sakari, direction. Enregistré au concert hall de Reykjavik les 11 et 12 février et du 23 au 25 mars 2000