Malgré le graphisme hasardeux de la pochette et un titre qui aurait pu être mieux choisi (c’est, cela dit, celui d’un morceau de Jaco), Punk jazz remplit parfaitement son rôle d’anthologie. Pour les connaisseurs, quelques incontournables justifieront la découverte : une version « at home » (et même « at room », pour être exact) inédite de The Chicken, enregistrée en 1968 à Oakland Park, ainsi qu’une multitude d’incunables tirés des archives des groupes auxquels a collaboré le bassiste avant l’époque Weather Report. Pour les néophytes, un parcours à peu près complet (on pourrait en discuter jusqu’à l’aube) de l’œuvre de l’inventeur de la basse fretless qui donne à entendre, en deux disques et 28 morceaux, les multiples facettes de son génie.

Au programme, donc : de poussiéreux et passionnants enregistrements des « C.C. Riders » de Wayne Cochran (où s’illustra le jeune Jaco au début des seventies) ou du groupe de Willie « Little Beaver » Hale ; des extraits de faces free méconnues avec Pat Metheny, Bruce Ditmas et Paul Bley ; des monuments définitifs comme ceux qui émaillent son indispensable premier album éponyme en leader (1976) ou, quoique de manière peut-être un peu chiche dans cette sélection, sa période Weather Report (Birdland) ; des thèmes composés pour la chanteuse Joni Mitchell (qui fut sa compagne plusieurs années durant), des morceaux enregistrés avec le pianiste Michel Colombier et, tout particulièrement sur le deuxième disque, des morceaux en big band. Soit un itinéraire idéal dans une discographie abondante et labyrinthique, étoffée depuis plusieurs années par une floraison d’enregistrements live ou studio d’une qualité assez aléatoire qui risque d’égarer ou de décourager les non-initiés. Le livret de pochette, desservi par une maquette peu élégante, contient de nombreuses photos et deux longs textes (en anglais) signés Ricky Schultz (l’un des producteurs de cette compilation) et Bill Milkowski (auteur d’une biographie de Pastorius) ; on appréciera particulièrement l’exhaustivité et la précision des notes discographiques (dates, personnel, albums originaux) et on s’empressera d’offrir cette double-galette honnête et bien pensée à qui ne connaîtrait pas encore les lignes de basse et le groove magique de Jaco Pastorius, étoile filante légendaire dont le passage fugace mais aveuglant a sans doute définitivement modifié l’ordonnancement de la constellation jazzy.