Chemical Brothers, Oasis, Radiohead ou Beta Band… les poids lourds ne manquent pas dans la course au Graal psychédélique. Autant de mastodontes à la poursuite du son planant ultime, du grand voyage coloré. Ceux qui ont décidé de planer haut en ce début de millénaire feraient pourtant bien d’éviter les têtes de gondole.
Jackdrag, groupe composé du seul John Dragonetti, a raflé la mise sans prévenir, en bon outsider, avec un Soft songs lp : aviating « envapé » et accrocheur. Un peu comme si Sammy Davis Jr collait une raclée à Mike Tyson.
Si Radiohead lorgne du côté de chez Can, si Oasis n’en finit plus d’user Revolver, Jackdrag préfère se brancher directement à la source Syd Barrett. Soit un idéal dosage de guitare folks et d’arrangements célestes, comme sur l’imparable We could habe been big (avec la ligne « we might be more popular than Jesus Christ » en clin d’œil à Lennon) ou le cotonneux Aviating. Heureusement, John Dragonetti se démarque rapidement du plagiat inspiré. Son agréable madeleine de Proust 60’s se mue alors en redoutable space-cake moderne.

Car l’homme de Jackdrag est un malin. Passionné de hip-hop cool, dans la lignée des fantastiques A Tribe Called Quest ou des premiers De La Soul, il concocte plusieurs rythmiques parfaites et crée, sur quelques titres, un groove lancinant, douillet, perpétuellement entre deux eaux. Les percussions de 1000 dancing people… marient la finesse de Ringo Starr avec les effets de manches de Portishead pour finalement déboucher sur un groove habile, une perfection. On parle ici d’un véritable trip psychédélique, mélancolique et coloré, et non pas du retour d’acide clinique et effrayant de Radiohead sur Kid A. Jackdrag atteint un sommet avec Crazy, élégante chanson douce-amère, où l’ensemble des instruments semble défiler à l’envers, à travers une barrière de nuages. Le tout sans se perdre ou s’éparpiller. Car Jackdrag ne perd jamais de vue son objectif pop. Soft songs lp : aviating, disque de laboratoire conçu par un savant fou en home-studio, n’en sonne pas moins direct et accrocheur. Dragonetti ne cède jamais au gigantisme pompeux façon Oasis ou à l’expérimentation bâclée de Radiohead. Entre Starwars et 2001, l’odyssée de l’espace, Jackdrag tanche finalement en faveur du charme décalé et original d’Alphaville. Une autre vision du voyage dans les airs. Planez, maintenant…