Les clichés ont la peau dure, très dure. Information est un duo norvégien qui, à l’instar de son compatriote Biosphere (avec lequel P.H. Svalastog, moitié du duo, a déjà collaboré), a fait malgré lui les beaux jours de « l’artic ambient », cette idiote étiquette qui voudrait nous faire croire qu’une musique reflète forcément l’endroit où elle a été conçue. Bien entendu, la musique d’Information est à mille lieux des clichés qu’ils ont aidé à faire éclore, et ils nous le prouvent à nouveau avec ce troisième Biomekano, leur premier pour la plate-forme Rune Grammofon. Et si les comparaisons esthétiques avec la musique de Geir Jenssen sont entièrement justifiées, notamment par la manière si particulière qu’a le duo de faire parler et chanter les trous d’air, la musique d’Information est plus versatile, nettement moins monolithique que celle de Biosphere.

Les deux norvégiens, en sound-designers avisés, manipulent divers objets acoustiques proches (on devine des sons de microphones ou micro-contacts en bout de course) ou éloignées (enregistrements environnementaux rendus abstraits) qu’ils filtrent et mettent en boucle, pour construire des mini séquences rythmiques chaloupées, pleines des respirations naturelles des sons, leur matière première. Ainsi, point de grands espaces naturels ici, tout est recréé et suggéré par des sons à l’origine incertaine. Pas de retranscription flemmarde : si les étendues arctiques s’invitent de temps en temps dans les schémas robotiques (Tropical investigations), voire tribaux (This low rise city), de ce disque abstrait, c’est via le domaine plus étendu encore de l’imagination : une masse sonore ultra dense sur Higher densities/maximum choice, un simili tintement de cloches sur Stacking of different natures, des nappes sourdes, résonantes et aspirantes qui s’invitent et s’infiltrent sur Sufficient sunlight ou Center by celebrating the loop

Alors, puisqu’on est dans les clichés, osons en avancer un nouveau : plus encore que la bande-son d’un documentaire sur le grand nord, les constructions mécaniques de Biomekano illustreraient à merveille un film d’anticipation, et à ce titre siéraient parfaitement au gigantisme mécano-fétichiste du Metropolis de Rintaro et Katsuhiro Otomo, tout récemment sorti en salle. En tout cas, voilà un disque assurément visuel qui transporte autant qu’il intrigue soniquement. Cliché final : un passionnant voyage sonore, donc…