Ca commence à faire un bout de temps qu’on vous serine en rubrique Singles avec le label Fat Cat, clairement l’une des choses les plus intéressantes qui soient arrivées à l’Angleterre musicale depuis des lustres. D’abord magasin, puis label spécialisé dans l’electronica un tantinet intello et obscure, Fat Cat s’ouvre depuis quelques mois, au fur et à mesure que son catalogue s’étoffe, à des artistes de plus en plus divers, ce qui lui vaut un début de reconnaissance nationale et internationale, comme en témoigne la récente auréole de « Single du mois » apposée par le NME sur le premier maxi anglais de Sigur Ros, collectif islandais hyper-branché mais super bien, déjà reconnu dans son pays par le biais de deux albums plutôt somptueux et coton à trouver.

La grande affaire, ici, c’est l’album de Immense, qui non seulement est plus qu’écoutable, mais est aussi le disque le plus ouvertement rock proposé par Fat Cat à ce jour. Il n’est pas sûr que Fat Cat ait sorti Immense avec une arrière-pensée commerciale, car ce n’est pas encore ce disque qui se vendra par dizaines de milliers d’exemplaires. Nonobstant, Evil ones and zeros montre que les champs d’investigation que sont l’expérimentation et la liberté d’expression dans le domaine de la musique (eh oui, la liberté d’expression musicale représente aujourd’hui une gageure) n’ont pas pour seuls outils les machines et le travail d’horloger de production.
Bien sûr, cet album possède un son ciselé, ou rien ou presque n’est laissé au hasard. Cette précision serait plus l’apanage de notre temps, d’ailleurs. Cependant donc, Immense est un power quintet dans lequel les deux guitares s’expriment parfois avec puissance, comme sur le titre d’ouverture, Football chant, parfois beaucoup plus en toucher (M.P.H.). De manière bien hasardeuse, certains critiques ont rattaché Immense à la vague post-rock, alors que franchement, on cherche encore ce qui évoquerait, dans la musique proposée ici, Tortoise et consorts. Et même le fait que les compositions soient instrumentales ne peut accréditer la thèse. Non, plus souvent, on pense à Trans Am, des groupes à grand amplitude, allant du plus ésotérique au plus évident, du plus retenu au plus débridé. Et c’est loin d’être déplaisant.

Don’t you know how to use flippers et sa ligne de basse entêtante en contretemps, Antro-lateral approach et son piano un rien théâtral, il semble qu’aujourd’hui les groupes n’aient plus peur d’aller au bout de leurs idées, que toute partie instrumentale, si ténue soit-elle, tout instrument, si discret soit-il, ait son mot à dire, alors qu’il y a encore quelques années, ils auraient sans doute été réduits au statut de « son d’accompagnement ». Il faut certainement y voir l’influence, de plus en plus nette dans le rock contemporain, du jazz, du free jazz, enfin du jazz, quoi. C’est peut-être ça la modernité, finalement. A la fin, on a même l’impression que Immense fait de la new wave en jouant du jazz quasi académique (Really optimistic, Spontaneous combustion, Neil Young in sportswear), du post-punk en jouant du be-bop (Glass eye). Et le jazz, sous toutes ses formes, quand c’est inspiré, c’est bien.