Hypo peut transformer le sexe faible en femme-enfant. C’est un de ses talents. Il nous l’avait déjà prouvé sur Karaoke a capella, sa deuxième galette éditée chez Active Suspension, label parisien qui accueille également Domotic, Davide Balula ou encore Shinsei. Hypo aime le sexe des femme-enfants. C’est sûr et certain. Lorsqu’il fait participer Anne Laplantine (qu’on connaît pour Nordheim ou encore Dicipline, entre autres…) à ses tranches musicales, cette dernière se transforme en innocente dont la voix se laisse caresser par des samples et des guitares éclatées de boursouflures pop. Lorsqu’il fait chanter Reiko Underwater, elle se change en gamine de 12 ans qui mange des bonbons au réglisse et dont les jambes deviennent molles lorsqu’elle coure chercher le micro. La musique de Mr. Anthony Keyeux jute de mille rêveries où l’on croise tour à tour Talk Talk bourré, New Order dans un club échangiste, Wevie Stonder sous acide qui cherche une guitare fruitée, ou encore Kevin Blechdom qui joue à la Game Boy. Sur ce nouvel et troisième opus, il réussit à digérer l’âme de ses invité(e)s avec plus de maturité qu’auparavant. Hypo est un enfoiré sexuel.

Si l’auteur de Kotva (une première galette éditée en Angleterre sur Spymania, label connu pour avoir édité le Conumber Ep de Squarepusher en 1995, avant qu’il ne soit récupérer par Warp…) privilégie souvent l’économie des moyens et se la joue minimal, c’est pour mieux laisser déferler des rythmes contenus se déliant progressivement en essai d’envol (Killed banano), en explosion de feux d’artifices électriques (Benny Bjorn has gone forever), pour ainsi (pro)créer à partir de toute ses références une musique universelle (sous ses faux airs de Barbapapa). Random Veneziano est une fête foraine noble où l’orgie est reine, où Cindy Lauper se fait enfiler par Joe Dassin et New Order baise avec les premières nymphes venues. Tout cela aboutit souvent à une forme de pop ingénue, délurée et serpentine, qui vogue sur ses propres ailes en suçant le suc de ses référents.

Un morceau comme New world menuet mérite à lui seul qu’on investisse dans cet album. Singeant à la perfection les timbres lointains de lutins baiseurs au destin tragique, Hypo (ré)interprète là une chanson en constant équilibre entre frivolité et sagesse. Une musique tellement décomplexée musicalement qu’elle réussit à mener son projet en vacillant entre fresques simplistes et peintures sophistiquées (Free days). Sans se soucier de viser une cible bien définie, Hypo propulse des mélodies post-pop qui réussissent à confondre les notes avec les éléments et les couleurs (Destino, Serpentinouze). Sur Random, Keyeux incarne une présence fantomatique, qui hante les nuits des femme-enfants émotives (Sawako sur General papa et Rigoldrum, Emmanuelle de Héricourt sur Free days, Mambotutu et Instrumental…). Quelle chance de pouvoir transformer en femme-enfant le sexe faible.

Mais le problème, c’est que cela ne marche que si l’on arrive à faire vivre son art en gardant à ses côtés une ou deux muses. Et ce n’est pas évident. Car le passage à l’âge adulte peut s’avérer casse-gueule, aussi bien pour l’homme que pour la femme. Mais Hypo est un dompteur, un homme-orchestre paramétrique. Une sorte de pimp pop qui s’intéresse à tout. Est-il bisexuel ? Comme la fuite est souvent une belle victoire, on laissera cette question sans réponse pour retourner apprécier ce disque à sa juste valeur.