Souvent nommé « le Wagner du lied », Hugo Wolf (1860-1906) est pourtant un compositeur romantique méconnu, et pour ainsi dire ignoré en France. L’abondance de son œuvre -une production pléthorique qui compte plus de 300 mélodies- et la particularité de son destin -tragique comme tant de destins romantiques- pouvaient espérer mieux. Précocement syphilitique (comme Schubert) et suicidaire (comme Schumann), voyageur, intime des « grands » de son temps (Brahms, Malher..), enterré entre Beethoven et Schumann (une visite au cimetière central de Vienne s’impose), voici un portrait qui frise la caricature. Sa musique ne l’est pas, et ce très beau disque rend hommage à un talent original, voire novateur. Au delà des lieder de Brahms, la sonorité joue en effet parfois le rôle centrale dans son œuvre et annonce clairement la révolution debussyste. Comme de sombres miniatures symphoniques les 17 mélodies pour mezzo soprano et piano retenues ici racontent la passion de Wolf pour le verbe, son goût infini pour Mörike, dont il apprenait les poèmes par cœur. Dix-sept lieder (parmi les 53 de la série) nous parlent d’amour sur un ton sombre, funèbre, mortel. Tempos étirés, articulation toujours plus legato, attaques précises et sensibles, Mitsuko Shirai et Hartmut Höll rendent subtilement les mystères du cycle. Monsieur et Madame à la ville, que l’on vit dans une série Schubert formidable à l’auditorium du Louvre et qui enregistrent beaucoup ensemble (toujours chez Capriccio), distillent avec une science rare chacun des drames. On comprend pourquoi Dieter Fischer Dieskau, le plus grand baryton allemand, choisit Höll pour dernier partenaire. On comprend que la musique est ici envisagée avec humilité, en chambristes. On comprend chaque intonation, chaque modulation, chaque phrase, et on se met à aimer Hugo Wolf, comme on aime Schubert ou Schumann, avec le respect et l’amour que l’on doit aux poètes.