De ce « Miroir » dialogué, en 1979, avec un pianiste rare -Bernard Lubat- au « Voyage méditerranéen » qui aura été l’apex d’un album méconnu, Destinée (en duo avec le regretté Merzak Mouthana, batteur de toute élégance), d’un Paris-Milano à E la storia va… (tous deux avec Franco d’Andrea et le deuxième accueillant Karim Touré déjà), le parcours d’Hervé Bourde s’est toujours vivifié d’une « foi dans le Sud » première, décisive. Parcours régulier, obstiné. Sans déclaration et, à la fois, manifeste. Sans idée de défendre, de parler pour quelque enracinement ou, bien entendu, régionalisme que ce soit et, à la fois, puissamment attaché à l’idée d’un ordre particulier, violent, sensuel et subtil de l’expression -méridien de la pensée où la question de la vérité de la parole (de sa loyauté) serait l’essentielle. Vision droite, sans ombre, de la musique. Franchise et don.
C’est à ces derniers mots que l’on aimerait d’abord rapporter, mais sans ainsi la résumer, la manière -au sens des grands peintres-artisans du Seicento– d’Hervé Bourde, aujourd’hui à son septième disque : hors courants, hors calcul, générosité à fleur de note, elle est d’une présence exigeante, immédiate. D’une indiscutable intensité alors que tant de musiciens semblent, en France, jouer dans le respect d’un « principe de précaution » leur tenant lieu d’identité -dans une respectabilité des moyens très vénérée, n’induisant guère qu’une ténuité chic de la parole… Liée, intrinsèquement, à la voix, à ses saillies comme à ses temps les plus intimes, plus que tout attachée à la question du souffle (à cette grande dimension pneumatique qui fait la mélodie dans le mouvement plutôt que le texte), elle s’impose dans une logique de la diction : amour du son (éperdu, entendu sans faute de son objet), longue attention à ses forces, son être, et ses mondes possibles ; éveil aux chemins à quoi le son peut conduire par sa singularité même. Loin de la surveillance mais aussi, par cette attraction-là, tenant d’une pure acribie. Nécessitant, pour pleinement s’exprimer, des complices plus que des partenaires.
Il y eut auprès d’Hervé Bourde, dont on a donc compris qu’il est d’abord homme de duos, Siegfried Kessler, Franco d’Andrea ; Merzak Mouthana avant eux… Il y a, depuis dix ans ou presque, Karim Touré. Esthète vitaliste, chanteur rigoureux du chant, il cosigne absolument une réussite –Rivages se présentant au meilleur d’une discographie et d’une carrière scandaleusement mal-entendues.

Hervé Bourde (as, ts, afl, perc, synth, clavier numérique), Karim Touré (djembé, balafon,, glockenspiel, derbouka, dm).
Paris, Studio 1, novembre 1999.