For him and the girls. Beau titre d’album, non ? Surtout qu’on y parle de femmes, de beauté, de nature, de déchirures vasculaires, de tendresse, de tristesse et… d’amour. Oui, bien sûr, il est question d’amour dans l’album de cet enjôleur de 26 ans. L’amour. Toujours l’amour, livré par Hawksley J. Workman sur une fragile plate-forme de guitares electro-acoustiques.

Impossible de rater Workman. Il produit, chante, écrit, compose. Il fait tout. Sauf le trombone, la trompette, la clarinette, et les photos. Par contre, on le voit sur trois photos dès la cover de l’album… Ego démesuré pour pop-star en manque d’affection ? Une chose est sûre : nous voici en présence d’un créateur égocentrique -cousin (très) éloigné de Joseph Arthur- qui semble être habité de démons cyclothymiques assez inventifs. Ce jeune canadien de 26 ans, qui a déjà sorti un deuxième opus dans son pays (Hawksley burns 4 Isadora), pourrait bien grimper très haut dans les sphères du pop-rock. Car le bougre possède pas mal d’atouts, notamment un jeu de guitare attrayant (vibrato, distorsion…), et une bonne petite voix bucolique. Tout pour plaire. On le compare d’ailleurs souvent à Jeff Buckey ou à Grant Lee Buffalo. Il serait tout de même un peu plus sérieux de le ramener aux côtés des Weezer (le tubesque No sissies) et des Supergrass (le brit-popesque Bullets) ou, pour le meilleur, de Sparklehorse (l’excellent No more named Johnny).

Mélodies incisives portées par un voile de cuivres et de guitares omniprésents (Beautiful and natural), quelques arpèges en douceur sur des mélopées grinçantes (Baby this night), il y a de quoi satisfaire bon nombre de slackers en mal d’amour. Hélas, le tout donne un court-bouillon pop-rockeux mal salé, qui, par instants, plaira sûrement aux fans du navrant Eagle Eyed Cherry… Tabernacle ! On y croise souvent un folk-rock de mauvaise augure (Sweet hallelujah), puis on retourne vers un bout de pop énervante (Sad house daddy), en repassant par la case (départ) des litanies habituelles d’un songwriter en devenir. A la longue, ça lasse un brin.

Pourtant, après plusieurs écoutes, il faut avouer que la bonne volonté de cet homme de peine perce de temps à autre le coeur de l’auditoire. On sent que les tripes de Workman sont parfois mises à nu, qu’il s’agisse de complaintes passionnées (Safe and sound, No more named Johnny, Tarentulove), de mélanges heureux entre cuivres et solo de guitare bluesy (All of us kids) ou de déroute musicale éventrée (dès l’ouverture de l’album avec Maniacs). On navigue donc entre morceaux hypersensibles (le très réussi Don’t be crushed) et compos plus que chiantes (Paper shoes aux lyrics niais : « I should have been a girl the way I dance my moves are amazing »). En prêtant l’oreille on y trouve de la douceur et de la naïveté. La naïveté aurait même tendance à l’emporter. Une naïveté un peu trop épaisse pour séduire les amateurs de folk-rock pur jus, qui préféreront sans nul doute se réfugier dans la cabane de Bonnie Prince Billy ou encore les douces chaumières de Turin Brakes.

Hawksley a récemment déclaré qu’il se voyait comme une sorte de « David Bowie grunge » et que For him and the girls était « à déguster lorsqu’on tombe amoureux de quelqu’un de très beau » (sic). Il faudrait peut être que Monsieur Workman redescende de son nuage ou y ajoute quelques gouttes de maturité. N’empêche, notre homme possède un potentiel fabuleux. A suivre avec attention.