Derrière ce nom qui sonne comme un groupe français se cache les vétérans californiens Mikah 9, Abstract Rude et Aceyalone, connus pour leurs activités florissantes au sein de leur équipée Project Blowed et connexion Freestyle Fellowship, sans compter leurs nombreux projets solos et autres connexions. Epaulé ici par leurs compères Busdriver (Transitions and Eras) et la tribu Blackalicious avec Lyrics Born et Lateef sur Top qualified, Haiku d’Etat accouche d’un album plutôt vivace. Avec un panel de producteurs est très étendu (Fat Jack, Mikah 9, Kenny Segal, Chief Xcel, PMG, DJ Drez, Spacek’s the Istickz…). Certaines harmonies qui lorgnent vers le jazz sont rapidement rebutantes, même si des doses de poésie (Transitions and Eras) et des poudrées de breaks veloutés sont souvent joliment replacés en surface (Triumvirate)… Les Mc’s arrivent néanmoins à faire oublier certains instrumentaux un peu faciles, tant leur flow élastiques sonnent juste, à l’instar des mots posés sur le bijou Mike, Aaron & Eddie en introduction de l’album.

Ces trois compères ont contribué à changer profondément la face du rap angelino de ces dix dernières années. Sur cet album bien rempli, la panoplie de leurs styles est toujours aussi vaste et imposante, surtout lorsqu’ils réussissent à installer leurs impulsions acrobatiques, leurs refrains entêtants et leur spoken word envoûtant. Coup de théâtre est un tableau dont certaines couleurs brillent par leurs exercices alphabétiques (Dogs)… En bonus, un DVD. Un peu cheap à vrai dire et plutôt destiné au fan de base, mais voilà l’occasion d’apprécier en image ces merveilleux funambules du mot.

La sémantique et le titre de l’album de cette petite tribu ramènent directement aux petits poèmes japonais composés d’un seul verset (les haiku). Un mot qui fâche ou qui émeut, une musique sucrée ou nerveuse. Les aficionados de Abstract Rude et autres Aceyalone ont déjà pu goûter à leur terminologie dans les opus To whom it may concern, Mood pieces ou A Book of human language, des opus disponibles uniquement en VPC sur Internet ou en import dans quelques lieux spécialisés. Cette sortie prouve que le rap indé en provenance de la Californie commence tout juste à se (dé)placer dans les bacs français. De quoi mettre un peu plus de lumière sur ces trois Mcs emblématiques et leurs nombreux cousins et compères. Citons par exemple P.E.A.C.E, qui vient de décrocher un deal avec le label des Swollen Members (Battle Axe Records) pour balancer le très honnête Megabite. Cette belle vague californienne arrive peut-être un peu trop tard sur notre territoire (l’album éponyme Haiku D’Etat a d’ailleurs été réédité sur Decon…), mais elle pose en douceur un Mikah 9 altruiste, trop peu présent dans les bacs. Signes du temps, ses impulsions virtuoses et ses phrases catchy (Transitions & Eras, un des plus beaux titres de l’album) se déplacent sur des rythmiques et des ambiances minimalistes (la bombe Mike, Aaron & Eddie), exécutées de main de maître par Fat Jack. En revanche, Mikah Nine devrait éviter de toucher aux machines, ou au moins prendre un peu l’exemple des poutres rythmiques déposées par Fat Jack…