Gomez passe en douceur mais non sans dommages le cap du deuxième album. Aucune perturbation majeure à signaler sur cet opus après le séduisant et durable Bring it on paru l’an dernier : toujours ce groove imposant sans être grondant, ces morceaux aux rythmes décalés, foisonnant d’idées et savamment orchestrés. Reste qu’à son écoute, le groupe semble par moments marquer le pas. Une explication à cela ? Sans doute le couloir restreint dans lequel il évolue : le blues sauce anglaise. C’est-à-dire une association improbable, mais déjà réussie par les américains Tim Buckley ou Tom Waits, entre folk et blues, rehaussée ici de notes « progressives » (pour emballer le tout). La légère frustration éprouvée vient du manque de rudesse de plusieurs titres, celle justement qui animait leur premier album. a tension se relâche quelque peu sur Hangover, Las Vegas dealer, Fill my cup… Qu’importe ! Quel est aujourd’hui l’album qui peut être écouté de bout en bout avec autant de plaisir ?

Les restrictions s’arrêtent donc là. Voici pourquoi : son univers, aussi limité soit-il (ils ne possèdent pas l’aisance d’un Beck pour s’approprier le tout venant ou celle de Wilco pour les synthèses miraculeuses -des vrais filous ceux-là), est singulier, et clairement identifiable malgré les références encombrantes qu’on lui attribue. Et l’on se dit au fil des écoutes qu’il est toujours préférable d’entendre ça plutôt que n’importe quelle énième merde brit pop gonflée dont on se lassera toujours trop vite ou la gangue mortifère de Palace. Car certains morceaux de Gomez, c’est maintenant une certitude, sont faits pour durer.

Ainsi pourrait-on mettre au défi quiconque de ne pas succomber à une ballade comme We haven’t turned around (pour le coup extrêmement tendue) ; de ne pas se laisser entraîner par le dynamisme de Rythm & blues alibi ou de California. C’est peut-être un paradoxe, mais Gomez est plus à l’aise dans les formats longs. En deçà de cinq-six minutes, la machine ne tourne pas à plein régime. Il lui faut du temps pour s’installer. Une dernière chose : Liquid skin fut ouvertement enregistré pour être plus « écoutable », à portée de tous. Ce fait n’enlève rien à la force et au charme que procurent les meilleurs titres de l’album. La route (vers l’Ouest) du succès -après la reconnaissance du Mercury Prize- leur est grande ouverte.