Hélas, Camofleur de Gastr Del Sol est le dernier album du groupe à bénéficier du talent de Jim O’Rourke, celui-ci souhaitant -mais c’est un musicien nomade, avide d’expériences- recentrer ses activités vers des projets plus personnels. David Grubbs, l’unique membre fondateur, aura-t’il la force et l’envie de continuer l’aventure ? On le souhaite évidemment, tant Camofleur représente, aux yeux de ceux qui sont déjà familiarisés avec l’univers du groupe, une sorte d’aboutissement. Sur cet album, les deux compères, s’entourant de plus une nouvelle fois à merveille -Markus Popp (Mouse On Mars, Oval), Edith Frost, John McEntire…-, ont réussi à marier toutes leurs influences, et elles sont nombreuses, de la musique expérimentale au blues, en passant par la country et un rock d’obédience indie. Ils ont réuni, avec un magnifique naturel, l’acoustique et l’électronique, pour une musique toute en finesses, en entrechats d’une étonnante intelligence, pour un résultat d’une rare cohérence.

Dès le premier morceau, The seasons reverse, on sent que ce disque sera grand, droit, épanoui. Certes, la voix de David Grubbs peut paraître maladroite, mais justement, elle ne cherche pas à se parer d’artifices grossiers, et contribue à conférer à Camoufleur un grand élan de sincérité voire de spontanéité. Blues subtitled no sense of wonder rappelle les plus récents travaux réalisés par Robert Wyatt, tandis que Black horse invite cuivres et vents à une bourrée méditative. Each dream is an example, ballade un temps livrée à des interférences, telle une phase de sommeil difficile, restera à n’en pas douter un classique.
Chacune des sept plages de ce disque offre ses petits plaisirs, qui à la fin deviennent grande satisfaction. Un album que l’on réécoutera sans problèmes pendant des années.