Gas est l’un des multiples pseudonymes (parmi Mike Ink, Love Inc, M:I:5, Grungerman, Mint, Dom) utilisés par le producteur allemand Wolfgang Voigt, actif dans la techno depuis 1993. Basé à Cologne, il a sorti de très nombreux disques sur ses propres labels (Studio 1, Profan, Kompakt, Freiland, Kreisel). Gas est son incarnation la plus vaporeuse, pour ce petit chef-d’œuvre d’ambient mystérieuse et crépusculaire : six morceaux très longs et sans titres qui s’étirent entre six et quinze minutes chacun sur un beat sourd et obsessionnel, comme des nappes de brumes dans les sous-bois, une menace rampante au cœur des ténèbres. Wolfgang Voigt décrit son projet Gas comme « une tentative d’amener la forêt allemande à la disco » ! Königsfort est en effet une forêt située près de Cologne, où il a grandi, et où, pour la première fois, il a « compris comment, sous acide, le son des cuivres et des cordes change de sens sous les chênes allemands ».

Construit notamment à partir de samples de compositeurs classiques tels que Schoenberg, Berg ou Wagner (qu’il a tenté de « libérer de leur sens originel »), le disque est magnifique. Comme dans les premiers albums d’Alec Empire sur Mille Plateaux, l’influence des vieux maîtres se fait sentir, surtout dans la noirceur des morceaux. La vieille Europe mélange ses mythes aux sons actuels, et le jeune Werther plane, allongé dans les taillis. Quelque chose d’imperceptiblement grandiose se dégage de cette musique, à mi-chemin entre la sérénité et l’angoisse. Une techno étrange et pénétrante, qui évoque étrangement précisément l’ambiance des forêts sombres d’Allemagne…