Mlle Cartigny nous écrit une bafouille sur sa bio promotionnelle. Elle dit avoir 14 ans. Le problème, c’est que les petites sœurs de 14 ans écoutent La Russo… C’est donc un leurre. France Cartigny rectifie plus loin : en fait, elle a 27 ou 28 ans. Coquetterie, mais re-leurre : le problème persiste car nos sœurs de 28 ans écoutent Dolly. Et puis, on l’a vue en première partie des Mercury Rev, la Cartigny : un sacré tempérament, une présence. On avait alors senti une artiste en devenir, impression aujourd’hui transformée par ce premier album éponyme, aux mots rêches et drus, et à l’ambiance tendue. France Cartigny chante le sexe, le désespoir et le mal être. Mais pas de voyeurisme ou de misérabilisme ici. France s’offre à nous, sans pudeur, sous le masque de l’innocence, de la pureté, de l’ingénuité perverse (Un seul par jour). Et cette fraîcheur est carrément attachante voire paradoxale tant les compositions sont mâtures.

Coup de maîtresse donc. Ou plutôt de jeune madame. C’est son album, ses histoires, sa bataille (remportée). Il ne faut pas se fier aux mélodies pop (Un monde de rêve) ou aux comptines (Daniel et Nicole). C’est une main de fer dans un gant de velours. L’ensemble est violent, l’écriture maligne (Un jour je).
Une batterie métronomique à la Quasi, ou Moe Tucker (il faudra d’ailleurs un jour se poser scientifiquement la question de savoir pourquoi les filles battent si mal), des chansons bien mises en son, qui font littéralement taper du pied (le fabuleux Je n’ai jamais su), France Cartigny et ses acolytes font dans le minimalisme (guitare et basse dominent, samples et pianos en bruine). Mais la richesse intérieure, le besoin de s’exprimer est si dense et, avouons, les compositions tellement agrippantes, que l’ensemble s’écoute avec plaisir -certains titres sont magnifiques (Jesus les garçons, Deux yeux qui ont compté).
Parfois, rarement, France frise l’écueil : un peu de Mylène Farmer… C’est une insulte mais comme elle semble attirée par le masochisme, si d’aventure cette chronique lui tombe sous les yeux, elle pardonnera. Car son âme est belle et sa voix est douce. Et franchement, on devient vite ami avec la grande France Cartigny, dont l’album a du mal à quitter nos platines.