En 1999, on avait particulièrement apprécié le premier album de Faultline, aka David Kosten. Paru sur l’excellent label Leaf, Closer colder transcendait le genre electronica en mélangeant beats synthétiques déstructurés et samples amples d’instruments à cordes, pour une musique sépulcrale, puissamment mélodique, une sorte d’ode mélancolique à la modernité, de romantisme numérisé. Faultline fit des émules, ou arrivait au bon moment. En France, des artistes comme Encre ou Mils suivirent un peu la même démarche artistique, à quelques mois près.

La naissance d’un style s’accompagnant très souvent d’une signature sur une major (voir Moby ou Dj Shadow), Faultline se retrouve aujourd’hui sur Warner Music, et les collaborations « prestigieuses » qui parsèment ce nouvel album témoignent de la « mainstreamisation » de Faultline : Chris Martin (Coldplay), Kevin Coyne (The Flaming Lips), Michael Stipe (REM) se succèdent au chant, tandis que le guitariste de The Verve, Nick McCabe, joue de la guitare sur Lost broadcast… On devrait sans difficulté pouvoir trouver ce disque au rayon pop-rock de la Fnac, en « facing » à côté d’Archive et de Mercury Rev. On serait ainsi tenté d’apparenter Your love means everything à une version pop-electronique du UNKLE de James Lavelle et Dj Shadow. Un projet soutenu par un plan média et des featurings onéreux, qui perdra autant en singularité qu’il gagnera en chiffres de ventes.

C’est malheureusement un peu la vérité. On ne souhaite pas particulièrement diaboliser les artistes underground qui signent sur des majors, mais on a trop vu d’exemples de jeunes talents obligés par une certaines pression commerciale, de mettre de l’eau dans leur vin, et d’apaiser leurs ambitions expérimentales. Et là où Closer colder innovait, ce deuxième opus ne transforme pas l’essai, et se fourvoie dans des directions dont on ne voit pas trop l’intérêt, ou l’originalité.

La dimension électronique de Faultline a pris une tournure purement décorative, pour accompagner chichement des ballades dénuées de mélodies, chantées par de grandes voix certes, mais posées là comme par nécessité économique. Where is my boy, par Chris Martin, ressemble à du Massive Attack progressif, Greenfields, par Michael Stipe, est une jolie chanson gâchée par d’excessifs effets de reverb’, The Colossal gray sunshine, malgré le chant tout en hauteur de Kevin Coyne, est répétitif et ennuyeux, il y a du phaser sur la guitare folk de Theme for half speed, la plupart des morceaux instrumentaux sont bardés de lourdes rythmiques sans nuances… Le tout est une sorte de disque ambient mélodramatique, expérimental grand public, conceptuel sans concept, pompier. On sauvera peut-être Missing, exercice de déconstruction de beats à la Dj Shadow, avec des inserts de cordes qui rappellent un peu Closer colder. On préférera donc le prochain Flaming Lips, à écouter en boucle.