Les dernières nouvelles phonographiques d’Erik Truffaz nous avaient sacrément étourdi : avec ses détonations électriques, son groove impeccable, sa trompette torturée sans pitié et ses ambiances electro à la Agharta revisité, The Walk of the giant turtle avait été l’un des très bons moments de l’année 2003 et revenait régulièrement sur nos platines depuis. Pour Saloua, le trompettiste français a rappelé le « Ladyland Quartet » (Manu Codjia, guitares ; Philippe Garcia, batterie ; Michel Benita, basse) et s’est adjoint les services du rappeur Nya et la voix de Mounir Troudi.

Alors ? Nouvelles pistes, nouveaux sons, régions neuves, atmosphères inédites ? Pas vraiment : malgré quelques passages tout à fait convaincants en fin de galette, Saloua semble végéter au croisement d’une série de tentations jamais complètement assumées, comme si Truffaz ne faisait qu’effleurer du bout de la trompette les directions dans lesquelles il aimerait se lancer avant de changer d’avis. On pourrait y voir le témoignage de sa curiosité tous azimuts et du polymorphisme de son talent, mais ça sonne surtout comme un manque de cohérence esthétique et comme une manière de bouffer à tous les râteliers : un peu de ragga, deux ou trois volutes orientales, des touches world, des samples sympathiques mais sans grande originalité, des lyrics franchement moyens (« The Big wheel keeps on turning / Life is non predetermined / Always turning into something new / Every morning I’m surprised to feel the sun rise »), un retour au jazz progressif façon Giant turtle et un décollage final agressif et jubilatoire vers des sommets quasi hardeux (Ghost drummer, idéal pour sortir du coma).

L’ensemble ne manque pas de moments convaincants, mais se perd dans la multitude des styles abordés et la relative superficialité mélodique de la plupart des compositions (de ce point de vue, on est parfois à la limite de la fainéantise). C’est certes très bien agencé, mais on peine à y trouver davantage qu’une bonne musique d’ambiance pour transformer élégamment son salon en dancefloor décontracté le temps d’une soirée. A défaut d’un univers vraiment personnel, on attend la suite et, tout de même, on réserve sa place de concert pour être sûr de ne rien manquer.