Enon, c’est avant tout le groupe de John Schmersal, un olibrius connu des déjantés du rock pour ses vibrations toniques au sein du crew Brainiac (big timers from Dayton, Ohio). Après moult incartades avec ses amis de sa formation d’origine, Schmersal fait ses valises et se barre vers New York, où il commence à fricoter avec quelques punks mal rasés et une ribambelle de nymphettes bourrées à la pédale disto. Après avoir sorti quelques maxis sous le nom de Enon, Schmersal drope un album sous le nom de John Stuart Mill et fait la rencontre de Rick Lee et Steve Calhoon, qui officient alors au sein du groupe rock Skeleton Key (qui accueillait également l’ancien bassiste des Lounge Lizards Erik Sanko). Schmersal explose tout et les embarque dans l’aventure Enon. C’est le véritable départ pour le combo, qui parachute en 2000 l’album Believo sur le label See Thru Broadcasting.

2002. Exit Steve Calhoon, place à Matt Schulz (ex-membre de Let’s Crash) et Toko Yasuda. Quant à Rick Lee, il est toujours aux commandes de sa upright bass et de sa guitare de junkie, contrairement à ce que laissent entendre de rumeurs et mauvaises langues mal lavées. Connue pour avoir officié au sein de The Lapse aux cotés de Chris Leo, Miss Yasuda l’est aussi et surtout pour ses apparitions du côté de chez Blonde Redhead. Voici donc High society, une galette de quinze tranches de pop-rock déclassé, qui dépasse de très loin son prédécesseur Believo. Mêlant fluides indie rock et mélodies indisciplinées, Enon parvient ici à tisser des toiles pop-rock délectables, qui font naviguer l’auditoire entre les années 70 et le nouveau millénaire, de manière assez spontanée. On plonge tête baissée dans Count sheep et ses samples de mouettes déformés, qui se font valdinguer par des guitares tendus de larsens méchamment étirés. On surfe sur la pop song In this city, avec les synthés psychédéliques de Miss Toko Yasuda qui double ici sa voix pour mieux rebondir sur la rythmique trépidante. On pourrait continuer à énumérer un à un tous les titres de cet opus, en narrant les aventures baroques de Enon, qui réussit à surprendre avec des recettes usitées, mais somme toute parfaitement embrouillées. A l’instar des Dandy Warhols ou encore du combo Olivia Tremor Control, Enon use à bon escient de ses éléments électroniques et autres samplers, pour retomber à pieds joints sur les ossatures du rock. Il faut avouer que l’apport vocal de la charmante Yasuda semble y être pour beaucoup. A chacune de ses apparitions, une brise pop semble souffler sur High society, notamment grâce à l’utilisation chaloupée de petits synthés composites, de rythmiques claquantes et de moult arrangements inaccoutumés. Schmersal arrive même à nous briser le coeur sur l’hymne affecté High society, brillamment nappé de violons narcotiques, de guitares séchées au soleil et d’un tuba qui surgit de nulle part.

John Schmersal vient de larguer un album réussi et semble avoir ici trouvé la formation idéale. High society est un opus dont le tracklisting est parfaitement agencé, un melting-pop qui fourmille de milles trouvailles ingénieuses et d’une foultitude de basses et de guitares rock déclassé. Un disque qui devrait faire sortir Enon de sa lumineuse obscurité.