Youkaïdi, youkaïda. On a retrouvé le grand Costello, celui qu’on aime, avec des compos en béton armé pour des chansons à pleurer. Un Costello qui accepte enfin la venue de l’âge en tirant parti de sa vois inimitable au lieu de la galvauder dans une mauvaise bouillasse. Faut voir aussi que le fait d’avoir tout composé avec l’ami Burt Bacharach, un spécialiste du morceau cousu or véritable, un cador en somme, ça aide sans doute. Avec l’apport de Steve Nieve, un vieux de la vieille de chez les Attractions et d’un orchestre de 24 cordes, les deux compères nous ont pondu une petite merveille, à déguster seul ou avec sa moitié. Une collection de pépites douces amères, onze bijoux auriculaires qui ne s’oublient pas de sitôt. On doute souvent de ces associations entre stars, entre égo hyper-forts, et cela débouche rarement sur un résultat probant.
Mais là, on a tout ou presque, la touche Costello grande classe et la voix qui respire comme au plus beaux jours, dans des écrins surchoix concoctés par Bacharach et son don pour les arrangements veloutés. Dès le premier titre, In the darkest place, on comprend que ça va être assez grand. Rythmique toute en retenue, la voix du petit maître, les cordes et les choeurs agencés par Burt la Science. Ca fait mouche direct, à moins d’avoir du détergent dans les oreilles. Et ça continue comme ça, la plupart du temps sur un mid-tempo qui permet aux deux orfèvres de s’exprimer avec la plus grande acuité. Tout devient limpide.
On aurait du savoir que ces deux-là allaient s’entendre à merveille. I still have that other girl est l’alliance parfaite : le timbre cassé, empreint de mélancolie résignée de Costello, et le théâtre sonore à la fois grandiose et modeste créé par Bacharach. Ca renvoie certains apprentis songwriters prétendument surdoués ou bac à sable, cette histoire. Painted from memory peut-être, mais ces gars-là ont vraiment une mémoire phénoménale…