Lorsqu’il s’activait en qualité de boss du groupe NWA ou pour son label Ruthless Records, Eric « Eazy-E » Wright agissait avec une main de fer dans un gant d’or. Même si ses talents de Mc n’ont jamais été déconcertants, cette icône du gangsta rap a réussit à débloquer moralement tout un pan de la génération « afro-américaine », à l’instar de personnalités tels que Schooly D ou Too Short. Pour le meilleur et pour le pire. Eazy aimait le son, l’argent et les femmes. En 1995, le diagnostic du médecin est formel. Il a de l’asthme ainsi que des problèmes respiratoires graves. Eazy insulte le Docteur, demande à faire de nouveaux tests. Il se sent mal. Il veut des tests sanguins. Il est sûr d’avoir attrapé un sale truc. De plus amples analyses lui permettent d’apprendre qu’il est atteint du virus du Sida. Quelques semaines passent. Il claque dans les mains de Dr Dre, qui vient pour se réconcilier avant que son ancien compère ne pourrisse dans une tombe. Les deux hommes échangent des paroles simples, rigolent ensemble de leurs conneries, de leurs aventures. Et des débuts du groupe NWA.

Né le 7 Septembre 1963 à Compton (Californie), Wright a commencé sa vie active comme dealer. Petit, intelligent, il incarne « le jeune noir afro-américain qui n’en a rien à foutre de se prendre une balle dans le buffet ». Le cauchemar de l’Amérique conservatrice, évangéliste, etc. Il porte un petit Uzi et se ballade en fumant des joints chargés de weed forte. Il passe la plupart de son temps avec ses potes. Dans Compton. Croisant D.O.C ou Mc Ren, puis Ice Cube ou Doctor Dre, Dj Yellah, pour ne citer qu’eux. Un tas de gaillards avec qui il allait former le cultissime groupe Niggaz With Attitude. C’est la rencontre avec Jerry Heller qui lui donne la possibilité de se faire de l’argent légalement, tout en s’amusant. Sans pour autant renier ses racines de voyou. En bon businessman, Jerry Heller repère tout de suite le talent de guru de Eazy-E , celui de D.O.C (auteur du classique No one can do it better sur Ruthless records…), puis ensuite la force de frappe d’un collectif allongeant autant de talents : NWA. De fait, ce groupe mythique franchit les frontières avec Straight outta Compton. Un album qui explosera la moitié des Etats-Unis, notamment sous l’impulsion d’une grosse tournée avec une équipée regroupant Arabian Prince, Ice Cube, Doctor Dre, D.O.C… C’est après cette détonation que Wright décide d’enregistrer son premier véritable projet solo : Eazy duz it. Le seul album qu’il a vraiment accompli de long en large, avec son âme et conscience uniquement concentré sur son amour de la musique, du fric et des putes. Bien avant avoir été parasité par le succès de Doctor Dre, qui préfère les charmes d’un Snoop Dogg. Puis d’un Eminem.

Eazy duz it, sorti originellement en 1988, est un complément à Straight outta Compton (édité en 1989 sur Ruthless). Brut. Rageux. Eazy E y déverse des biles rapologiques qui enlisent le monde qu’il entoure. A l’image de Sorry Louie ou Radio, deux ogives impulsives qui tabassent du breakbeat comme un marteau-pilon, faisant sublimer les mélodies simples mais envoûtantes. Mais aussi et surtout Boyz in da hood, bijou de minimalisme électronique (les gouttes de synthés 8 bit y sont éparpillées comme du miel sur des rythmiques qui oscille entre electro et hip-hop old-school…). Le flow nasillard de Eazy-E colle les sillons larges, marche et affirme ses histoires de dope, de sexe et de sang, sans sourciller. Mais la réussite de cet album ne tient pas seulement à la personnalité de Eazy-E. Si cela avait été le cas, cette galette ne serait qu’un disque de plus dans la longue discographie du rap West Coast de gangster de base. Les productions efficaces de Dre apportent une énergie et une fougue mélodieuses qui déposent de nouvelles strates sur les cordes vocales de Eazy. L’alchimie Eazy E & Doctor Dre est quasi-parfaite. Après Eazy duz it, Wright a continué à rapper et à lancer des projets solos. Mais cet album est son trophée. Il y apparaît à son top niveau, aussi bien dans le rôle du second couteau que dans celui d’un boss de gang salaud qui fout la merde, allume ou éteint les fêtes à sa guise. Un amoureux d’un style de vie suicidaire. Son meilleur rôle.