En quelques années, le label StonesThrow a réussi à se hisser parmi les valeurs sûres du hip-hop laid-back, sans jamais donner ses fesses au mainstream ou s’engluer dans un bain au marshmallow. Dudley Perkins, aka Declaime, nous avait laissés sur notre faim avec Andsoitisaid, dropé il y a quelque temps via les Teutons de chez GrooveAttack. Il revient aujourd’hui en surfant (un peu trop aisément) sur la formule du mini hit Flowers, pour nous offrir une petite lumière qui scintille dans le coin de ses yeux de fumeur de blunts. Tout droit sorti du Bomb Shelter (studio de Madlib basé à Oxnord en Californie), A Lil’ light tend les pérégrinations mi-chantées mi-fredonnées de Dudley, qui apaise son entendement sur les boucles flegmatiques de Lib. Entièrement produite par l’auteur de The Unseen, cette galette agréable et douce-amère détend dès les premières écoutes, pour la voix rêche de Perkins, pour sa façon amorphe de poser ses mots et son ton désinvolte, jamais vraiment nu-soul ou neo-soul, jamais vraiment R&B, juste largué sur le plafond d’un encéphale bourré de harsh weed et de gros bangs bourrés de rimes simplistes.

Sur Momma, Dudley répète inlassablement (un peu trop, au moins une douzaine de fois…) qu’il doit sa vie à sa chère mère, et on le suit en se disant qu’il faudrait peut-être passer -un peu plus souvent- voir l’être qui nous a donné la vie, ouep, y penser plus fréquemment à maman, et puis l’on essaye d’oublier que cet être doux va un jour quitter ce monde, et on se dit que le cordon ombilical a été coupé trop violemment, en espérant que la mort est une vraie vie. Peut-être qu’il vaudrait mieux se jeter d’une falaise à 60 balais, avant de vraiment toucher le fond, le palpitant en pleine santé et le bide qui pend, non ? Puis on retombe sur le délicat Flowers, un joli brin de soleil éraillé qui coule comme du miel un brin périmé. On connaissait déjà, mais on apprécie de s’enivrer à nouveau. On repense aux vacances et aux poissons frais, fris au barbecue et arrosés de joints de shit brun, colorés, comme la peau de ceux qui absorbent l’astre chaud par excellence. On a l’impression d’avoir toujours connue Dudley Perkins, sans jamais le savoir : sa voix velléitaire, ses messages pacifiques et planants, ses fleurs chantonnées, cueillies sous les planétoïdes rôtis de Californie.

Otis Jackson Jr. aka Madlib est un putain de bosseur, qui plonge sa vie dans de longues introspections au groove subtilement samplé, embrassant les déclinaisons de la fragilité d’une manière surprenante, contemplant Sun Ra (l’hommage en fin d’album) et louchant -de très loin- sur Zapp (Muzak et son vocoder anesthésique)… Il porte ici Dudley Perkins sur ses épaules, lui distribue un matériau malléable, pétri ses beats comme nulle autre (Lil’ black boy, Washedbrainsyndrome…). L’homme à qui l’on doit Quasimoto touche ici pratiquement tout le temps sa cible. Sans Lib, Dudley Perkins aurait pu tomber dans un piège à rat crasseux. Très cordial, cet album de Perkins s’écoute aisément, surtout lorsqu’on apprécie les sachets de white widow bien gonflés, les yeux globuleux et la douceur des gars qui ne savent pas chanter mais qui osent poser leur coeur sur le coin d’une « bed-room soul » branlante. Un brin de Perkins les soirs d’été, ça fait du bien. Loin d’être un chef-d’œuvre, A Lil’ light est une tranche de vie laconique, sans prétention, qui se dissout dans l’encéphale comme une remontée de gentil bonbon au pavot.