On se souvient du premier album de Sukia, Contacto espacial con el tercer sexo, paru sur Ideal (le label des Dust Brothers) et Mo’wax en Europe, avec ses bruits d’interphones stridents venus parasiter une série hétéroclite de tubes comprimés atmosphériques et moogesques. On avait rangé le disque dans la case easy-listening loufdingue, entre Stock Hausen & Walkman et Tipsy, sans plus trop y penser, avant que Craig et Ross aka DJ Me DJ You reviennent aujourd’hui harceler nos appareils auditifs sur le label de rêve Tricatel.
Après quelques travaux de production (Takako Minekawa, Titan) et divers remixes (Beth Orton, Beck, Fantastic Plastic Machine), les deux DJ, à toi et à moi, sortent l’album Rainbow & robots, dans la lignée Baroque hoedown de Perrey et Kingsley, la touche Z6PO en plus. Menuet de robots, tambouille de moogs, melting-pop analogique, la musique de DJ Me DJ You est construite à partir de samples d’orgues vintages rétrofuturistes et de breakbeats chaotiques. Moins expérimental que leur premier opus mais groovy comme un cut-up épileptique de beats ronds et d’arrangements easy, Rainbow & robots marie les chaudes couleurs de la musique dansante au froid synthétisme des machines. Un peu comme Le Tone, avec plus d’idées, un peu comme Perrey, avec plus de synthés.

Orientalisme cheap (Spa), « cartoonismes », beats house pas sérieux (Earth people), « sci-fi music », toutes les chansons semblent raconter une histoire incompréhensible, morcelées en petits bouts incontrôlables, réminiscents de l’esprit 80’s (Ten CC et Korgis), pas si loin de Daft Punk en fait, mais plus drôles, plus cheap, et moins linéaires. Contre-pieds electro-psyché et nappes de synthés soutenant des spoken-words tirés de docus télé éculés, Rainbow & robots serait un mariage au paradis (selon l’expression anglaise a mariage in heaven) entre postmodernité ironisante et nostalgie pop-corn.
Cependant, à trop partir dans tous les sens, la musique de DJ Me DJ You finit par faire décrocher l’auditeur, overdosé de breaks intempestifs et de changements de tempo impromptus. A l’architecture baroque mais aux couleurs trop disparates, la construction proliférante des deux DJ devient kitsch et monstrueuse comme une pièce montée trop crémeuse Leur psychédélisme endiablé en devient psychorigide dans son extrémisme.

Restent de beaux moments de planeries kitsch comme du Air mal rasé (Pink Freud), de digressions Air France (l’Inde et Vangelis, le Smurf et la Surf-music, les effets electronica et les gimmicks exotica se retrouvent en un mix improbable sur Rainbow & robots). Mais ce ne seront que des courts instants. Un album à écouter par petits bouts, un morceau de temps en temps, comme on gobe à la va-vite une fraise Tagada ou un Dragibus. Plaisir garanti dans ces conditions.