Si quelqu’un vous demande un jour ce qu’est exactement le groove, mettez We got robbed ! dans votre platine et poussez le volume au maximum : après une salve d’applaudissements enthousiastes et quelques mesures de batterie à faire trembler les murs (Terence Higgins aux baguettes), le Dirty Dozen Brass Band se chargera de répondre en neuf leçons magistrales. Captées en mai dernier sur la scène surchauffée du TwiRoPa Mills, ces deux soirées achevaient une série de onze concerts néo-orléanais dont chacun a été l’occasion de célébrer en grandes pompes et en décibels le vingt-cinquième anniversaire du groupe. Entre deux passages en studio (Medicated magic avec Olu Dara et Dr John voici un an, et un nouvel album à la rentrée), ce live en terres natales (le groupe est né à la Nouvelle-Orléans en 1977, sous le nom initial de « Dirty Dozen Kazoo Band », instrumentation oblige) est peut-être la meilleure introduction possible à son univers, les neuf compositions retenues reflétant tous les aspects d’un quart de siècle musical haut en couleurs, au croisement des styles et des époques : tradition locale du brass band, bien sûr (My feet can’t fail me now, ambiance parade bruyante), funk (le morceau introductif, six minutes lancées par les imprécations d’un Efrem Towns survolté, a de quoi réveiller un cimetière), blues et rock (Red hot mama), avec la guitare musclée de Jamie McLean. Sur les lignes de basse du soubassophone (Julius McKee), saxophones, trombone et trompettes créent une orgie de cuivres au groove implacable et à l’énergie inépuisable, susceptibles de requinquer le dernier des dépressifs.  » On sent que la chaleur est revenue, ce soir, à la Nouvelle-Orleans « , lance le trompettiste en guise d’annonce : il faut bien dire que l’ambiance moite et enivrante du live, à laquelle on n’avait plus goûté sur disque depuis 1985 (c’était Mardi gras in Montreux), donne une dimension supplémentaire à la musique généreuse, excessive et fracassante d’un groupe à tous points de vue incontournable. « Quelque chose pour le coeur, quelque chose pour l’esprit, quelque chose pour le corps », dit sa devise. Quelque chose d’inimitable, tout simplement.