CCO, kesako ? Avec son catalogue aux allures d’annexe de Morr Music (Christian Kleine, Herrmann & Kleine, Arovane…), le label berlinois CCO s’est montré par ailleurs incapable (ou peu désireux ?) d’associer son nom plus que le temps d’un 7″ et d’un album à des projets aussi variés que Snd, Opiate ou Remote Viewer. Si ces artistes nomades y trouvent leur compte, à coup sûr, le label n’y gagne qu’une identité confuse et, pour une étiquette qui prise une musique aussi lisse que celle du frangin de Morr Music, paradoxalement poreuse. Nouvel exemple en date : la sortie de deux albums aussi contradictoires que ceux de Dictaphone et Morgan Caney & Kamal Joory.

Enveloppée dans des volutes de fumée, lovée dans des couleurs mordorées, la musique de Dictaphone est née de l’imagination du multi-instrumentiste Oliver Doerell, rejoint par trois musiciens (clarinette, sax, voix, cuivres et clavier). Vaporeuse, nuancée, pleine de retenue, la musique de M.=addiction se laisse lentement apprivoiser. Errant dans un ailleurs parfois proche du chef d’œuvre éponyme de C-Schulz & Hajsch (sur Lügen par exemple) et la froide élégance de Tarwater (la voix à la fois désincarnée et suave de Malka Spigel sur Tempelhof 4.10 est tout simplement obsédante), M.=addiction est une authentique réussite d’hybridation sans nom entre paysages éthérés, caves de jazz, collages concrets du quotidien et même piste de tango (Tango Doerell). « Vous n’avez pas quelque chose à vous faire opérer ? Un poumon, vous savez, c’est très joli un poumon, c’est tout rose », lâche une voix féminine repiquée sur un dictaphone, pendant qu’un mélodica souffreteux s’épuise dans un dialogue avec une nappe de clavier, de laquelle se détachent des grappes de notes de guitare et des pulsations microbiennes (Dictaphone). Sur La Piscine, des voix d’enfants (captées dans une piscine publique) couvrent un pied qui bat, une clarinette lascive. Et au loin, il y a ces notes de piano, suspendues au vide, orphelines et désenchantées, comme un lendemain de fête sous les hauts plafonds de chez Gatsby. Une bande de dictaphone, un instrument crissant, un grésillement, et voici que Lügen enfle sous des pluies de cuivres et de bois avant de s’évanouir dans un souffle électrique. Nombre de morceaux, en s’achevant ainsi soudainement par un soupir, une expiration, révèlent une évidence : la promiscuité de cette musique en demi-teinte avec le silence. Brumeux ? En tout cas sûrement pas fumeux.

Fruit de la collaboration entre un électronicien (Kamal Joory est plus connu sous le nom de Geiom) et d’un expérimentateur issu du jazz (Morgan Caney), Magic radios est un disque de prime abord séduisant et frais. Avec ses crépitements lunaires et sa basse lounge, le single Blanket ouvre agréablement l’album. Mais rapidement, les choses se gâtent : d’un cachet feutré, les morceaux semblent gagner une patine huileuse. Froidement lisse, la musique est incapable d’habiter l’espace, tant elle glisse sur les angles. Et malgré sa pléthore de mélodies proprettes, Magic radios ne parvient même pas à émouvoir : timidement « beau » ou doucement « agréable », autant dire peu de chose. Le problème de l’esthétique (proliférante) à la Morr, c’est qu’elle n’est justement rien d’autre qu’une esthétique : basses profondes et suaves, nappes léchées de synthé, beat lourd, voilà tout, rien de plus qu’une tapisserie sonore (idéale pour boire des softs drinks entre amis). Piégé dans une relation réflexive, Magic radios se regarde le nombril et devient vite indolent et complaisant. Chiadé ? Plus simplement : chiant.