Allo ? Il y a quelqu’un qui écoute encore de la drum’n’bass ? Ne répondez pas tous en même temps ! Vous avez tort, maintenant que l’écrémage a été fait, il reste encore quelques producteurs intéressants de cette musique idiomatique : Darren Beale (et son acolyte Mark Caro, boss du label Technical Itch) en font partie. Actif depuis le début des années 90, Beale a derrière lui une grosse discographie (surtout vinyle, surtout de remixes) et le très bon album Dissection sorti sur Hardleaders en 1998, qui lui a valu les louanges de toute la presse techno (Mixmag, Muzik, Wax). La musique ? Un mélange subtil et efficace entre des influences techstep/hardcore (quand ça tape, ça tape) et des sonorités plus funky qui rendent tous les morceaux dansants, même les plus abstraits. Mais ce qui donne son cachet à l’ensemble et qui le distingue de la masse anonyme des producteurs de maxis drum’n’bass, ce sont les ambiances cinématographiques sombres qu’il parvient à distiller au compte-gouttes, en un mariage parfois puissant entre la culture breakbeat et Lalo Schifrin.

Ce Concussion (excellent titre au demeurant car concussion -« commotion, secousse « – vient du latin concussio, de concutere, frapper) n’échappe pas à la règle, même s’il est nettement orienté grosse claque de basses sur les fesses. Douze titres assez longs (6 mn en moyenne) dont les meilleurs sont indéniablement Silent, mélancolique et puissant comme une baleine à l’agonie avec en son centre un break énorme ; le génial Roadrage, bande son idéale d’un manga futuriste et brutal ; le plutôt expérimental Stutter, plein de bleeps et punitivement acide. Ailleurs, les morceaux mid-tempos sont plutôt chiants (Spider, Tag Brkz). Le seul essai avec du chant (on sait que Beale travaille sur un projet vocal sous le nom de Kosheen) est super efficace (Hord 39), mis à part le fait que le chant est horrible… Le reste, très jump-up, doit pouvoir faire son petit effet en club : basses abyssales à faire tripper Drexcya, rythmiques implacables et métalliques et sirènes couins couins du genre « une milice de métal m’attend au coin de la rue ».

Tout ça est donc bien rôdé, intelligemment produit, mais il y a un mais : les morceaux sont trop longs, les formules sont toujours les mêmes, la structure des morceaux aussi, la puissance des rythmes ne fait pas complètement oublier que la plupart des sons sont datés et tirés d’une banque d’effets archi-entendue (les boucles inversées, franchement…), à tel point parfois qu’on croirait entendre du Alex Reece hard-core. Relapse, par exemple, est parfait : tout est en place, ça tourne, ça pulse grave, les basses sont jouissives, bon, voilà. Et après ? Après 2 mn, on s’ennuie… Cela dit, si vous aimez la drum’n’bass et que cette rythmique vous fait réellement bouger, vous met en émoi, alors ce Concussion est certainement un album à ne pas louper dans un genre qui est en train de se louper…