Deuxième album, après The Sign, pour un trio piano, basse, batterie qui pourrait bien s’imposer parmi les formations les plus enthousiasmantes de la scène européenne : à mi-chemin entre l’élégance froide et contemplative de l’humeur scandinave (Carsten Dahl est danois, Arild Andersen norvégien et, par ailleurs, bien connu des aficionados de l’étiquette ECM) et les tentations abstraites de l’improvisation, le groupe brouille les pistes et casse les rythmes. Quatre des douze morceaux laissent ainsi le champ libre à l’expérimentation collective, la clarté des discours et la diversité des directions choisies témoignant de l’entente de trois musiciens qui se pratiquent depuis longtemps (on se souvient de la collaboration de Andersen et Héral au sein du groupe du trompettiste Markus Stockhausen). Ailleurs, sur huit compositions originales signées du bassiste ou du pianiste, le trio multiplie les genres et les influences, avec un goût prononcé pour la ballade (les magnifiques Hymne et Joy de Dahl) et les atmosphères méditatives, parfois empruntes d’éléments ethniques (One song, porté par une basse virtuose) et d’une discrète touche électronique (le pianiste s’autorise un recours tempéré au sampler, le batteur joue aussi du potentiomètre). La sensation d’espace et d’ouverture, la répartition dynamique des rôles entre chaque musicien, les solos saisissants de Patrice Héral, et, pour le charme, les gémissements nasillards très « jarrettiens » du pianiste, contribuent à faire de Moon water un album de bout en bout passionnant, proche par certains aspects de l’art d’un Svensson, et au demeurant servi par l’impeccable prise de son des studios la Buissonne de Gérard de Haro.