Le drôle de parcours de Couch est pour certains le gage d’une qualité musicale et éthique sans faille. Leurs débuts, en groupe de jazz décalé dans les clubs de Munich, puis leur ouverture progressive aux instruments électroniques (synthés vintage, collages expérimentaux et quasi concrets) sont autant d’éléments apportant une légitimité à un énième groupe german-rock qui aurait pu sombrer dans le tout-venant. Trois albums et huit années plus tard, le quartet maîtrise plus encore ce mélange inédit qui fit sa force dès ses premiers pas dans le monde clinifié de l’écurie Kitty-Yo : cut-up harmolodique, electro expérimentale, musique contemporaine abstraite et drones toujours aussi éthérés. Le langage musical de Couch s’est évidemment complexifié avec le temps, affinant du même coup les ébauches trop vite amorcées. Exit les inflexions pop du début, et place à une musique instrumentale travaillée au possible, aux confins d’un jazz Downtown-New York (Lounge Lizards, Evan Lurie Ensemble) et du post-rock à la sauce Chicago.

Moins speedy-gonzales que Salaryman, plus tranchants que les désormais lénifiants Tortoise, les quatre musiciens de Couch arrivent à mobiliser l’attention de l’auditeur en ces temps de frimas electronica. Les plages sont d’ailleurs étonnamment courtes (pas plus de six minutes chacune) et les morceaux s’enchaînent dans la diversité, d’ambient music relookée 90s à quelques incursions noisy-rock. Bref, du Sonic Youth, si ces trois-là n’avaient pas oublié toute notion de mélodies.

On nous resservira sûrement le couplet de ce rock teuton directement affilié aux pires heures du prog-rock et de ses longues suites pompeuses. Erreur : avec sa vision alternative du phénomène post-rock, Couch réussit à affiner au mieux l’horizon d’influences qui porte sa musique. Du classique à l’electronica la plus aride, les mélodies de Couch défilent sans discontinuer, dressant un champ de possibilités musicales inédit dans sa composition. Et si traînent éparses les ombres de groupes plus universitaires comme The Rachel’s ou Dakota Suite, Couch réussit le tour de force de maintenir une tension tout au long de Profane. De quoi affirmer une réputation grandissante.