Cosmin « TRG » Nicolae est vraiment un producteur intrigant. Découvert par David Kennedy (alias Ramadanman / Pearson Sound) via l’excellent Hessle Audio, ce gamin originaire de Bucarest a fait des ravages dans l’inénarrable underground post dubstep avec une série de maxis tous parus sur des labels hyper emblématique (Naked Lunch, Subway ou Tempa pour la famille dubstep, Rush Hour ou Mad Decent pour les autres) sans que l’on comprenne jamais vraiment où il voulait en venir. Percutant ambiances adipeuses et groove volontiers boiteux, collages enfumés limite big beat (il a collaboré avec les Bassbin Twins !) et rigueur glaciale typique du tout digital, le gamin fait des soupes vraiment éthérées et irrésistibles à la fois, deep et bourrines, qui zigzaguent entre les familles musicales sans jamais se laisser attraper par aucune.

Sur son premier album commandé par le Fifty Weapons de Modeselektor, il confirme la tendance enclenchée sur ses maxis pour Rush Hour (l’insaisissable A Universal crush, surtout) et s’engage tête baissée sur la voie d’une deep techno adulte et assombrie, un brin rigoriste, pourtant bien plus biscornue que ne laissent subodorer les inévitables signaux Detroit qui clignotent dès le bien nommé « Ritmat ». Car si feeling techno old school il y a bien (dans une interview pour le site We Are Rebels, Nicolae confesse sans le savoir écouter la même chose que tout le monde : « les sons genre minimal wave, mais aussi beaucoup d’early electronica, de la house de Chicago et de la techno de Detroit »), c’est en version rebootée, formes et intensités, avec des intuitions rythmiques plus typiques de la bass music voire de l’electronica. Surtout, Nicolae (s)aborde le genre avec une intrépidité et une naïveté qui confinent parfois au sacrilège : plutôt que de tenter de regarder dans les yeux Omar S. ou Theo Parrish (toujours parangons de la musique électronique actuelle pour ce qui concerne la street credibility), il semble interroger à chaque arpège ou glitch incongrus son propre statut irrésoluble d’outsider.

Tournant le dos à toutes les règles tacites du purisme contemporain (« Ce n’est pas parce qu’on déménage à Berlin qu’on déménage au Berghain », argumente-t-il dans la même interview évoquée ci-dessus), Cosmin TRG fait plutôt un disque imparfait et curieux, qui se vautre parfois dans les facilités juvéniles (le recours systématiques aux bidouilles de compression sidechain qui font osciller les nappes comme des fétus de paille) et l’inanité mélodique (difficile de retenir un seul gimmick) mais qui revitalise aussi étrangement le vieil hydromel de Detroit. Sur le drastique Form over function ou l’hybride Want you to be, il a même moins l’air de sauter entre les genres (de Basic Channel à Actress, le fossé est bien trop virtuel pour qu’on accepte l’esbroufe) qu’entre des dynamiques contradictoires (chaos / élégance, flou / efficacité). Courageux, buté, un peu inconscient, son Simulat d’album est une jolie tentative, à la fois typique de l’époque (on reviendra bientôt sur le nouveau Ghost people de Martyn) et bloqué à sa lisière. On aime bien.