Premier album de l’orchestre cinématique, dirigé par Jason Swinscoe et ses acolytes Tom Chant (saxophone soprano, piano électrique et acoustique), Daniel Howard (batterie), Phil France (basse électrique et acoustique). On avait découvert Swinscoe solo sur quelques compilations Ninja Tune et déjà remarqué sa fascination pour le jazz 60’s et 70’s, celui d’Elvin Jones, Eric Dolphy ou Herbie Hancock, influences marquantes de ce Motion. Le principe de l’album fut de donner à apprendre différents samples de jazz aux musiciens, puis de les laisser improviser avec. Tous les morceaux sont donc enregistrés « live » puis arrangés par Swinscoe (sans la moindre rythmique drum’n’bass en vue). Le résultat -sept morceaux impeccables de maîtrise- est alternativement contemplatif ou groovy et parfois un peu insaisissable.

Durian, mélancolique ballade chantée, ouvre l’album très calmement. Ode to the big sea, morceau le plus groovy du disque, ressemble beaucoup à un morceau de BO des années 70 type Bullit. Le long Night of the iguana (treize minutes) est encore plus cinématographique et évoque avec une grande force des paysages noirs et urbains. Le mélange entre une batterie saccadée et très organique, les cuivres à la John Barry et les nappes de piano électrique donnent un rendu riche et captivant. Channel 1 suite, assez minimal mais toujours avec cette batterie démultipliée, est plus classique et ferait presque penser à un morceau de Massive Attack. Moins intéressant donc, mais Bluebirds, pur titre de free jazz, relève le niveau : batterie éclatée, échardes de saxo et coups de basse, il se termine par des cordes menaçantes pour une approche finalement presque plus rock que jazz. Après ce défouloir, le bien nommé And relax ! évoque les ballades de Coltrane ou plus modestement les récents et similaires essais de restituer un esprit jazz à une sauce personnelle de Frédéric Galliano. Heureusement, pas de discours théorique fumeux sur les monades chez Cinematic Orchestra, mais un amour évident de la production : échos, souffles, frottements et autres signes d’un jeu humain sont bien présents. Parfois même une voix lointaine vient se déposer délicatement sur l’ensemble. Enfin, les neuf minutes de Diabolus concluent le disque avec subtilité, évoquant tour à tour Pharoah Sanders ou Alice Coltrane, avec ses clochettes éparpillées et son piano méditatif.

Dans l’ensemble donc, un très beau disque qui ne plaira sans doute pas aux puristes du jazz qui n’y verront qu’une ré-interprétation sans saveur d’une musique qui en disait déjà plus il y a trente ans ou plus. Pourtant, pour nous autres dont les oreilles sont avides de constructions sonores à la fois riches et chaudes, et qui pouvons apprécier les anciens comme les modernes, ce Motion est un régal de composition et de sensibilité, à savourer le soir, en hiver.