Retrouvailles, après les remarquables Sofienberg variations qu’il a enregistrées en 2003, avec cet étonnant quartet mené par le pianiste norvégien Christian Wallumrod, dont on se souvient de l’entrée en scène discrète mais mémorable au milieu des années 1990 avec No birch. Au carrefour du jazz et de la musique contemporaine, entre écriture et improvisation, Wallumrod revendique à la fois l’héritage des piliers du label ECM (côté américain, avec Keith Jarrett, comme côté scandinave, avec Jan Garbarek), celui du jeu inclassable et ironique du pianiste Paul Bley et, depuis plusieurs années, celui de grands noms de l’écriture contemporaine comme György Kurtag ou Bent Sorensen. Si les Sofienberg variations prenaient pour points de départ des compositions déjà existantes, la plupart des partitions de ce Year from easter au titre en forme d’hommage à John Cage ont été écrites spécialement pour l’occasion par le pianiste ; dans une atmosphère sombre, méditative et extrêmement élégante, il y donne une place essentielle à la collaboration du trompettiste Arve Henriksen (déjà membre du trio avec lequel il avait enregistré No Birch, le troisième étant le percussionniste Has-Kristian Kjos-Sorensen), tête chercheuse de la galaxie jazz scandinave et auteur d’un récent Chiaroscuro de toute beauté, et du violoniste Nils Okland, issu pour sa part de l’univers de la musique folklorique locale (il est également spécialiste de la musique ancienne, en particulier de celle d’un compositeur du dix-septième siècle nommé Biber). « Je suis toujours surpris par la façon dont Arve et Nils fonctionnent ensemble, confie-t-il. Je ne sais pas très bien ce qu’ils fabriquent pour parvenir à être si proches dans leur approche du son ». Le batteur Per Odvar Johansen complète l’Ensemble (il est également membre, avec Wallumrod, du trio « Close Erase ») avec pour rôle, selon l’expression du leader, de « déconstruire la musique, notamment au niveau des rythmes » (il est le seul pour lequel le pianiste n’écrit absolument rien, vantant sa  » grande fiabilité »). Résultat : un disque impossible à étiqueter, extrêmement séduisant dans sa manière d’entrelacer parties écrites et parties improvisées, où se démarquent le jeu calme et tendu du pianiste et la trompette hallucinante de Henriksen. Une musique ambiguë, étrange, légèrement décalée (relents enfantins d’un piano jouet), absolument insolite.